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11 janvier 2015 7 11 /01 /janvier /2015 12:50

1.L’origine historique de l’expression : (16,17ème siècle).

A l’époque où la fée électricité n’était pas encore née, vers le XVIème siècle on jouait pendant de longues soirées, aux dés et à d’autres jeux à la mode, dans des salons mondains ou les auberges populaires, sous l’éclairage de chandelles. Or la cire utilisée pour confectionner les bougies, était considérée à l’époque comme un produit coûteux, réservé aux classes aisées. Les personnes veillaient donc à économiser leurs chandelles. Aussi, si un joueur n’amassait pas un minimum de gain au jeu pour couvrir le prix de la chandelle consommée lors de la partie, on pouvait dire que, pour lui, le jeu n’en valait pas la chandelle.

On explique également l’origine de cette tournure en se plongeant dans le milieu du théâtre de l’époque. En effet, les salles étaient éclairées par une grande quantité de bougies. Or lorsque la recette du jour était vraiment mauvaise, elle ne couvrait même pas les frais d’éclairage. L’expression s’est ensuite étendue à des domaines plus variés et le terme de «jeu» a désigné plus largement des risques pris dans le cadre d’uns affaire.

II.D’où les signification communes : valoir le coup, valoir la peine…la chose dont il s’agit ne mérite pas forcément les soins que l’on prend, les peines que l’on se donne, la dépense que l’on fait, l’investissement qu’on y met !...dans une décision, un engagement, dans toutes situations possibles !

-Situation dans la temporalité : avant, pendant, après ? La décision, l’homme dans le temps,une fois encore, la finitude.

Comment le savoir avant de prendre la décision ? Dans la succession de nos décisions dans notre existence ?

C’est l’incertitude...

-Se fier aux expériences passées ? Aux expériences des autres ? On peut toujours en retirer quelques idées, inspirations.

Mais c’est toujours différent : nous ne sommes pas les autres, qui ne sont pas nous ! les situations sont toujours autres d’une certaine manière… quelles leçons peut-on vraiment tirer du passé ou des autres ?

Nous sommes condamnés à risquer dans le présent où nous décidons, en espérant que…

Si on ne peut se fier au passé, peut-être que l’avenir nous montrera que…

Bien sûr, on verra après, les effets, les conséquences ...

Mais au mieux on pourra dire «le jeu en valait ou pas la chandelle !» et non en vaut il ! ce qui est mieux que rien certes, mais ne répond pas à la question.

Et surtout il est absurde d’attendre les résultats d’une décision pour prendre cette décision !

Les exemples ou les situations ne manquent pas dans l’existence : le choix d’un engagement, d’une entreprise, d’une thérapie...lorsqu’on pèse le pour, le contre, les effets indésirables, les risques…on se demande ce que l’on peut gagner, ce qu’on peut perdre. Il s’agit, comme dans le jeu, de penser en termes de gain ou de perte, on suppute ses chances ou ses risques. Qu’est-ce qui vaut le coup, est ce que je vais m’y retrouver, est-ce que le résultat obtenu va me «payer» de mes efforts, de mes «sacrifices?»... «Est-ce que ce que j’investis (matériellement, psychiquement, socialement va être compensé, récompensé.»

L’exemple de l’homme politique qui veut se présenter à une élection, la mise et ce que l’on compte en retirer ! Il cherche le pouvoir, pour y accéder il faut passer par des obstacles, recevoir des coups.., mais pour le pouvoir, il estime que ça vaut le coup, n’en est il pas ainsi de toute passion ?...

Il y a aussi, en cas de maladie grave, le problème du choix d’une thérapie, car par où faut il passer, quels effets indésirables pour une possible mais pas certaine guérison ?

Si ce n'est ni le passé, ni l’avenir, me reste le présent et sa pression, qui me plonge dans un état difficilement supportable, ce qui fait que l’urgent est de sortir de cette situation, donc que cela vaut le coup de franchir le pas, malgré l’incertitude. Car le problème est bien là, nous sommes dans l’incertitude, nous ne savons pas et pourtant nous nous sentons comme «obligés» de choisir de décider vers autre chose, en souhaitant, en espérant que ça vaut le coup !

On peut ainsi penser le passage effectué par les hommes de l’état de nature à l’état civil, politique. Certes les hommes ne se sont pas explicitement posé la question, mais c'est un peu comme si... compte tenu que les théoriciens du «contrat social» savaient fort bien qu’un tel état n’avait jamais été observé, connu historiquement mais que c’était un concept nécessaire à la compréhension du «contrat social» fondateur de nos organisations politiques.

On peut donc dire «c’est comme si...» l’état civil est un état de contraintes, d’obéissance à la loi, ce qui n’est pas toujours aisé d’accepter et de vivre, alors pourquoi être ainsi passé dans cet état et ne pas être resté dans un état hors cadre civil, en «pré contrat».

L'homme désire la liberté mais aussi la sécurité. C’est pourquoi c’est comme s’il avait pensé que le jeu valait la chandelle de se mettre sous l’état civil !

-Ainsi Hobbes (philosophe anglais de1588 à1679), dans «Le Léviathan» :

«les hommes n’éprouvent aucun plaisir, mais plutôt un grand déplaisir à demeurer en présence les uns des autres s’il n’y a pas de puissance capable de les tenir en respect(p.169)…..pacte d’«innocence» (nocere : nuire), pacte de non agression mutuelle.

Chaque signataire renonce à sa nocence originelle, c’est-à-dire à la liberté qui est en lui de nuire, de déranger, d’importuner, d’attenter à la liberté de tous les autres. Tous font de même : pour garantir la tranquillité, la nécessité de sacrifier de son bon plaisir…au total, «le jeu...».

On lit chez Rousseau (1712à1778) la même problématique «du contrat social» :

«chacun de nous met en commun toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale, se soumettre à la volonté générale en même temps qu’à soi-même» «les clauses bien entendues se réduisent toutes à une seule, savoir l’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté…de plus l’aliénation se faisant sans réserve… chacun peut y retrouver son compte.».

C’est toujours la même problématique : liberté et sécurité ; on peut gagner en sécurité ce qu’on peut perdre en liberté !...quel jeu vaut la chandelle ?

Dans la vie politique, c’est un peu tous les jours qu’il faut en décider, même si ce n’est pas toujours explicitement en délibération permanente! Et c’est peut-être là justement, dans cette urgence que «le jeu en vaut la chandelle», dans cette répétition constante d’une décision de vivre ensemble au mieux. Le risque et la précarité… de l’engagement dans le présent, toujours dans une relative mais réelle incertitude aussi excitante qu’angoissante ! (L’acte de liberté, chez Sartre).

En effet, comment conçoit-on idéalement l’état de nature ?

  • Soit comme un état idyllique, où les hommes vivraient en paix, en harmonie avec la nature, se contenant de cueillette, tels les bergers d’Arcadie. On se demande alors pourquoi les hommes auraient voulu en sortir.

  • Soit comme un état de précarité et de violence où seuls les plus forts auraient droit au salut !

  • On comprend alors ce que la loi de l’état civil, voire de l’État de droit et de ses exigences d’égalité et de fraternité avait de désirable, fut-ce au prix d’une certaine perte de liberté individuelle. Pour sortir d’un état naturel ou sociale de violence où règne la loi du plus fort, le jeu de l’état civil vaut la chandelle.

On voit donc ce qu’il en est dans l’existence, au fur et à mesure que celle-ci se déroule ou que nous la déroulons.. ce sont la temporalité et la finitude qui sont en question, avec leurs incertitudes, les échecs, mais aussi de rattraper le coup la fois suivante !

L’existence finie de l’homme, avec son lot de souffrances, d’échecs, d’absurdité(s) et, au bout du compte, la fin, la mort !.. ce qui fait dire à beaucoup» à quoi bon tout ça, tout ça pour ça !».

-On peut alors se poser la question à propos de l’existence dans son ensemble, sa globalité : le jeu en vaut il la chandelle, la vie vaut elle la peine d’être vécue ? Peut-on se demander quand on fait l’expérience de la souffrance, de l’ennui (selon Schopenhauer), de l’absurde (les philosophes existentialistes par exemple…) et de la mort (cela de tout temps…: «tout ça pour ça» !

Comment savoir, tant qu’on n’est pas à la fin ? Faudrait-il attendre «le jugement dernier» pour en décider ? Y a –t-il un tel jugement ?

III. Peut-on le savoir dans l’existence ? dans nos diverses décisions, nos divers engagements… dans la société… c’est dans la situation vécue que j’en décide, en posant mes actes, sans savoir ce qu’il en sera, je risque et j’espère !

Maintenant, peut-on le savoir de l’existence dans son ensemble, sa globalité ?

C'est-à-dire «le jeu en vaut il la chandelle ?» dans le sens de «la vie vaut elle la peine d’être vécue ?».

C’est la question majeure qui ouvre «le mythe de Sisyphe», ouvrage majeur d'Albert Camus : «il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux :c’est le suicide. juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale !»

Le reste, si le monde a trois dimensions, si l’esprit a neuf ou douze catégories, vient ensuite, ce sont des jeux : il faut d’abord répondre…

Si on estime que la vie vaut la peine, alors la question ne se pose plus.

Si on estime qu’elle ne vaut pas la peine d’être vécue, parce que globalement absurde, alors comment répondre ?

L’espérance :

l’espérance eschatologique judéo-chrétienne,

la question de l’au-delà,

espérer vaut il le coup ?, si comme l’indique Comte-Sponville «espérer c’est désirer sans jouir, désirer sans savoir, désirer sans pouvoir.»

Encore faut il comprendre que le salut, si salut il y a, se prépare sur terre, pendant notre passage sur terre, entre naissance et mort, nous sommes donc renvoyés à notre combat au présent, à notre vécu. C’est dans l’intensité, la joie de ce qui est vécu que l’on apprécie la valeur du «coup» !

Espérer en vaut il la chandelle ? Mais désespérer en vaut il plus la chandelle ?

Qu’est-ce qui fait vivre ici et maintenant ? Épuiser les champs du possible dans le temps, avant de compter sur une éternité incertaine ou tout au moins problématique !

Le mythe de Sisyphe…«la vie vaut elle la peine d’être vécue ?» La vie, tout compris, globalement ? C’est la question que pose Camus au commencement de son «mythe de Sisyphe, cf. texte: «il n’y a qu’une problématique philosophique vraiment sérieuse ; c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie». Le reste ...! Il faut d’abord répondre…

On ne peut pas attendre la fin de la partie pour en décider, pour savoir...il faut choisir, il faut parier (référence à Pascal) c’est aujourd’hui, tous les jours que la question peut être vivace ! Devant l’expérience existentielle de la souffrance, de l’ennui, de la mort, de l’absurde, de «la Peste»…

Que nous disent ce mythe et le commentaire du prix Nobel de littérature 1957 ?

Sisyphe est condamné car il n’a pas obéi aux dieux, il n’a pas pris leur injonction au sérieux, il est condamné à une activité absurde, métaphore peut-être de l’existence humaine : pousser un rocher au sommet de la montagne, rocher qui roule en bas aussitôt et que le héros doit remonter et ainsi de suite tous les jours : reprise quotidienne de nos actions (métro…boulot…dodo..) on pourrait ajouter philo (prise de conscience et essai de compréhension, problématique du sens..).

Qu’est-ce qu’espère Sisyphe ?

Conclusion : la question du suicide : en finir avec la vie absurde, insupportable,

Sortir du jeu de la partie...

Mais on peut se demander si le suicide en vaut la chandelle. Comment savoir, puisque je ne serai plus là pour en juger ?

C’est un acte de négativité : je nie, je refuse cette vie, mais pour quelle positivité, pour faire quoi, pour quoi ? il me manquera à jamais quelque chose pour savoir si…je dis non à quelque chose, ce qui peut être légitime, mais je dis oui à quoi ?

Si j’estime que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, parce que ennui, souffrance, absurdité.. Que puis-je faire ? Me résigner ? Me contenter d’assurer le minimum ? Cela donnerait une vie bien triste, ça ne vaut guère le coup.

Il y a l’espérance eschatologique judéo-chrétienne :

espérer dans l’au-delà ? Encore que cet au delà se prépare ici-bas !... Donc c‘est ici et maintenant que je décide si le jeu…si ce que je fais maintenant me semble valoir la peine, si j’y trouve maintenant mon comptant, mon contentement par ailleurs ! Que signifie espérer ?

Désirer sans jouir, désirer sans savoir, désirer sans pouvoir. Est-ce que cela vaut le coup, en plus il y faut une croyance, une foi, et la raison dans tout cela ?

Il y a la posture de Sisyphe : cf. le texte de Camus :«il faut imaginer Sisyphe heureux»!

Sisyphe, condamné par les dieux parce qu’il leur a désobéi, s’est moqué d’eux, à pousser un rocher en haut de la montagne, une fois là-haut, le rocher redescend et Sisyphe recommence ainsi tous les jours de sa vie : tâche absurde s’il en est !

Mais le héros ne fait pas cela par résignation ou obéissance servile aux dieux, mais bien pour les narguer, il fait acte de résistance et trouve jouissance dans cette tâche lourde reprise sans cesse, sans fin...

Je laisse Sisyphe au bas de la montagne ! On retrouve toujours son fardeau.Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge (comme le vieil Œdipe à la fin de sa vie) que «tout est bien malgré tant d’épreuves, dit celui-ci, mon âge avancé et la grandeur de mon âme me font juger que tout est bien» (il a tué son père, couché avec sa mère et s'est crevé les yeux !)

Posture, dira t on, sans doute,mais «il faut imaginer Sisyphe heureux», dernière phrase énigmatique de l’ouvrage de Camus. Il faut, il y a comme une exigence à penser cela, mais ce n’est pas une certitude, un savoir, mais comment comprendre ce choix de Sisyphe, s’il n’y trouve pas une certaine jouissance, un contentement réel ? Cette lutte, ce corps à corps avec sa chose, face aux dieux qui le regardent et qu’il nargue», cela suffit à remplir un cœur d’homme» !

Conclusion : est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? La vie vaut elle la peine d’être vécue ?

-On ne peut attendre la fin de la partie,

-On ne peut trouver de réponse dans des valeurs objectives universelles,

-C’est à moi d’en décider ici et maintenant : c’est par ma décision, en posant mon acte que je dis , que je montre que la vie vaut… quand je décide et me lance, je ne m’appuie pas sur une valeur extérieure préexistante, c’est en choisissant, en posant mon acte, que je pose, que j’affirme en même temps sa valeur et la valeur, c’est sans doute une des leçons principales de la philosophie de Jean-Paul Sartre !

Je pense que le jeu en vaut la chandelle si je trouve dans ma décision, en posant l’acte, une jouissance, dans la plénitude de l’instant et sa singularité absolue, ce qu’il y a de plus fort, de plus intense au moment où moi je décide, m’engage,

Je suis venu, je suis là, c’est que je pense que cela vaut le coup.

Ce qui m’importe, c’est ce que moi je décide, fais, quelles que soient les «illusions du je». C’est tout de même avec cela que je vis, pour cela que je vis.

Implicitement, tacitement, je me dis oui, tout au moins je fais comme si le «je en vaut la chandelle».

Le mieux serait de relire les pages de Camus !» Je laisse Sisyphe au bas de la montagne...».

En postface, variation sur la chandelle.

Il y a la chandelle de Diogène cherchant un homme en plein jour sur la place publique,

la chandelle morte de l’ami de Pierrot,

la chandelle du cheminot, sur les rails ou le quai de la gare, comme un veilleur, la chandelle de l’allumeur de réverbère d’une planète du «Petit Prince», pour respecter l’ordre des lois de la nature et de l’ordre social, c’est sa fonction..

Il y a la chandelle qui éclaire à peine Schopenhauer sur son lit de mort et qui permet à peine aux deux amis venus le veiller, de voir le dentier du mort jaillir de la bouche du mort et glisser dans le noir!..(lire le récit qu’en fait Maupassant).

Quelle chandelle choisir ? J’ai depuis longtemps un faible pour le petit Prince, que j’ai déjà utilisé plusieurs fois en leçons, mais je retiens finalement Diogène, qui, entouré d’hommes cherche un homme !

J’y vois la difficulté de trouver l’humanité dans l’humanité actuelle ! Nous cherchons l’humanité parce qu’elle n’est pas encore accomplie et nous ne trouverons d’humanité que celle que nous aurons construite par l’effort de la raison. Nous autres philosophes savons ce que vaut la raison et ses limites, et nous pensons que choisir la raison, critique certes, en vaut le coup, en vaut la chandelle !

Gilles Troger, Sophia, le 8 janvier 2015.

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