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26 avril 2019 5 26 /04 /avril /2019 08:38

 

 

En regardant et en écoutant un match de football et ses commentaires à la télévision : coup de sifflet de l’arbitre car faute dans la surface de réparation d’une des deux équipes. Cela vaut un penalty, ce qui amène souvent un but. On devine facilement l’importance !

L’un des commentateurs de protester : «C’est un peu sévère, à ce moment et lieu du match !»

Sans pouvoir ni même vouloir prendre parti, les entendant tout au long du match se référer à ces deux notions, j’ai trouvé intéressant de m’affronter à une leçon pour Sophia autour de cette coordination.

IL y a aussi plus sérieux : la déclaration de Le Pen : «les chambres à gaz sont des détails de l'Histoire» La lettre ? Cela peut s'entendre et se supporter mais en esprit cela peut-être considéré comme insupportable

Alors la lettre et l'esprit : qu'est ce que cela peut inspirer au professeur de philosophie ?

Prétexte :

S’en tenir à la lettre, c’est réduire le sens, le ramener à une immédiateté objective, neutre, comme on accomplit un rituel par habitude, en oubliant le sens et la ferveur de son invention.

C’est comme si on réduisait le sens d'un signe linguistique au signifiant, en gommant le signifié où gît l’esprit justement !

S’en tenir à la lettre, c’est de la loi ne voir que ce qu’elle dit objectivement et oublier qu’elle doit aussi et surtout être appliquée et c’est là qu’il y faut de l’esprit pour adapter la loi qui se veut et se doit être la même pour tous et l’adapter à chaque cas particulier, chaque singularité.

Ce qui donne sens à la loi, c’est son application, sa vertu de mettre en œuvre une prescription d’ordre général. Au sens propre «appliquer la loi, sans la tordre ou la casser, au contraire en faisant ressortir sa nécessité, sa grandeur !

La loi, la lettre sont d’abord œuvre de l’esprit en rapport avec un réel auquel il s’affronte parfois durement.

Et ce qui fait vivre la lettre, c’est l’esprit qui l’alimente, l’empêche de se scléroser !

Et maintenant, que serait, que deviendrait l’esprit sans la lettre ? L’esprit a besoin de la lettre, pour se manifester, se prouver dans son existence, être efficient, efficace.

Que deviendrait la circulation automobile s’il n’y avait le code de la route et son application mais le meilleur code de la route ne peut remplacer l’attention, l’intelligence, l’à-propos du conducteur !

On peut citer Bergson et ce qu’il dit de l’intuition et de la nécessité de l’exprimer (nous vivons en collectivité), de la faire passer par la lettre au risque de la trahir, de l’appauvrir, voire de la «tuer». 

Où situer aussi la distinction kantienne entre le légal et le moral ? On peut très bien respecter la loi, se conformer à la loi, on est dans la légalité, en respectant la lettre. Mais il explique qu’agir conformément à la loi morale, conformément au devoir, ce n’est pas agir par devoir, seule compte vraiment en morale l’intention, où l’on retrouve l’esprit.

Selon Bergson l'appel du Horus ou du Saint doit s'instituer dans l'Histoire pour être autre chose qu'un vœu pieux ou prêche dans le désert. C'est le moment où le sermon sur la montagne donne véritable sens aux dix commandements pourtant bien antérieurs. On peut regretter le souffle irremplaçable des commandements, mais c’est la lettre qui transforme la révolte en révolution et la protestation des «belles âmes» en institution d’un nouvel ordre! C'est l'an révolutionnaire qui se codifie dans le Code Civil

Certes la lettre a besoin d'être périodiquement vivifiée par un renouveau d'esprit la société doit s'ouvrir à de nouveaux appels. Mais il ne faut pas oublier, reprenant les terminologies de Bergson, que la société et la «morale close» ne sont que l’organisation d’un «appel initial qui s’est dégradé».

Et l’autre de répliquer à la lettre «C’est juste, regardez le règlement»,«Peut-être, rétorque l’autre, mais dans l’esprit du jeu, ça ne se justifie pas et ainsi de suite.et toute la durée du match de se référer à leur distinction principielle.

Il n’en fallut pas plus pour me donner l’envie de préparer une leçon pour Sophia, sur ce thème : la lettre et l’esprit

IL y a aussi plus sérieux, la déclaration de Le Pen : «les chambres à gaz sont des détails de l'Histoire». Cela peut s'entendre et se supporter car un détail est une partie voire une petite partie d'un ensemble qui peut être plus ou moins vaste . Or si on regarde l’Histoire humaine dans son ensemble, l’épisode des chambres à gaz n’est effectivement qu’une partie ! Mais on connaît ce «locuteur» et ses intentions, «l’esprit» qui l’anime ou qu’il anime et là évidemment la phrase prend un tout autre sens !

En quoi consiste la lettre ? La lettre est un élément qui en soi, seul, ne signifie pas grand-chose. C’est une donnée immédiate dans sa matérialité. Prendre à la lettre : réduire le sens conformément à cette immédiateté, en toute rigueur, adéquation, sans chercher autre chose ou ailleurs.

La question est alors : peut-on ramener, réduire le sens (finalité, direction, signification) à cette immédiateté : ce qui serait facilité, alors que «l’esprit» c’est la capacité qu nous avons de réfléchir, dépasser, transcender le donné immédiat, d’abstraire, de penser la globalité.

Il s’agit de la question du sens plus que de la vérité,. distinction que l’on retrouve dans le rapport du signifiant et du signifié en linguistique.

De la pensée et de son expression, de la signification et du signe, de l’intérieur et de l’extériorisation…De la loi et de l’application de la loi. On ne peut réduire le sens à la lettre, se contenter de «prendre le mot au mot».

La lettre fige, fixe et par là peut «scléroser», trahir l’intention. La lettre risque de «trahir» l’esprit en le traduisant, en l’exprimant ( difficulté déjà rencontrée dans toute traduction d’une langue dans une autre, insuffisance de la traduction mot à mot, nécessité de comprendre et de manifester, l’intention, le sens global, le contexte divers.

Le christianisme par exemple fut fondé sur un «malentendu» Le prophète annoncé fut interprété comme un puissant, matériel, charnel, un «tout-puissant» politique guidé par le pouvoir terrestre alors que le prophète qui vint parlait d’un autre royaume, d’une puissance «spirituelle, «le royaume des cieux».

La lettre,

c’est un élément, une partie, qui, à elle seule ne signifie rien ou pas grand-chose, c’est la donnée immédiate dans son objectivité, sa matérialité : «prendre à la lettre; prendre conformément à cette immédiateté, en toute rigueur, adéquation, sans chercher autre chose ou ailleurs. C’est une objectivité qui est donnée identiquement à tous.

L’esprit,

c'est la capacité que nous avons de réfléchir, d’abstraire, dépasser, transcender le donné immédiat, de penser le sens, la globalité.

On peut alors penser la distinction lettre et esprit, comme la distinction entre le signifiant et le signifié en linguistique, entre la pensée et l’expression de cette pensée; entre la signification et le signe ; l'intérieur et l’extériorisation. La question est plus celle du sens que celle de la vérité. D’ailleurs toute religion nouvelle, se pose comme étant comme étant «en esprit et en vérité», contre l’ancienne : le Christ fustigeant les docteurs de la loi, les scribes et les pharisiens qui se contentaient de l’application à la lettre des préceptes qu’ils portaient autour du cou .

C’est l’opposition plus générale du caractère fini, limité de la lettre et du désir d’infini de l’esprit, du caractère limité de la lettre opposé au pouvoir infiniment créateur de l’esprit.

L’esprit risque de se perdre, s’aliéner dans ce qui le «cristallise», le codifie. S'en tenir à la lettre, c’est se conformer aux habitudes, aux rites qui font perdre de vue l’impulsion créatrice de leurs origines, ainsi du souffle révolutionnaire qui se figea dans un «code civil», par ailleurs nécessaire à la vie collective. Alors on en viendrait à penser à un refus de la lettre, dans laquelle l’esprit risquerait de perdre son souffle vital, son mouvement créateur. Mais peut on penser l’esprit sans la lettre, sans ce risque permanent d’aliénation ?

Un «pur esprit» serait une possibilité certes. On peut alors comprendre quel danger la lettre a peut être pour l’esprit : réduire le sens au donné immédiat, c’est le «rapetisser», le «chosifier».

Mais inefficient, inefficace, on conçoit le caractère fini, limité de la lettre à quoi ne peut ni ne veut se réduire au pouvoir infiniment créateur de l’esprit. L’esprit se perd, s’aliène dans ce qui le cristallise, le codifie. La vie de l’esprit consiste, comme l’indique Descartes, à se ressaisir à chaque instant sur ses propres retombées, à s’arracher à sa propre pesanteur, à se convertir sans cesse pour rester adéquat à sa visée par delà ses expressions imparfaites : l'esprit serait une victoire permanente.

Sur la lettre, qui est la tentation de l’esprit de se reposer…

La lettre doit être interprétée (interprétation littérale ou pas) et l’interprétation est toujours œuvre de l’esprit. C’est toujours une question d’interprétation : la lettre doit être interprétée, on parle «d'interprétation littérale» et ensuite d’interprétation de l’esprit. Mais l’interprétation, quelle qu’elle soit est toujours un travail de l’esprit. La lettre apparaît comme la manifestation ambiguë et appauvrissante de l’esprit. La lettre fige, tue. Comme le disait Saint Paul : «la lettre tue, l’esprit vivifie». On serait alors tenté de voir l’esprit se débarrasser de la lettre ! Mais que serait un tel «pur esprit» ? Une pure possibilité, planant au-dessus du réel, sans prise sur lui.

Certes il y a une ambiguïté de la lettre qui risque de «trahir, d’appauvrir» l’esprit en le traduisant, en l’exprimant. Prendre le prophète à la lettre a conduit le christianisme à se mal fonder : le prophète annonçait un messie libérateur, à la lettre on attendait un vainqueur matériel, «charnel», alors que le royaume annoncé était d’une toute autre nature, «spirituelle», «le royaume des cieux».

Ainsi en fut il sans doute de toute religion nouvelle par rapport à l’ancienne. D’où des «malentendus» et les conflits conséquents…La lettre ne doit pas faire oublier le souffle de l’esprit qui en fut l’origine, le souffle révolutionnaire qui se fige en «code civil», le souffle de tout commencement qui se pétrifie en rites, en habitudes, en répétitions mécaniques.

Bergson avait bien vu la perte de la valeur, densité de l’intuition, à la faire se couler, se distendre dans l’expression,on sait par expérience la difficulté que l’on éprouve.

 

Conclusion :
 
il s'agit du résultat du match qui a servi d'ouverture à cette leçon : le match se termina par le score de zéro zéro. Match nul  conclurent les commentateurs, nul dans tous les sens, en esprit car le but du jeu est de marquer des buts et pour ce faire construire du beau jeu, ce qui ne fut pas le cas. Quant à Le Pen et sa déclaration sur les chambres à gaz on sait ce qu'il en est et ce qu'est devenu son locuteur. L'esprit a jugé

Gilles Troger Avril 2019

 

 

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