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25 février 2022 5 25 /02 /février /2022 08:00

Ce sujet a été donné au Bac S en 2017

 

La réponse à cette question est en apparence évidente : une œuvre d'art doit être belle. L’on pourrait même dire qu'elle n’a pas d’autre fonction que la beauté, contrairement à l’œuvre artisanale dont la fonction est d’être utile. Il semble donc que la beauté soit précisément ce qui définit l’Art. Une œuvre d’art est le produit de l’activité d’un humain qu’on appelle un artiste. C'est un objet physique unique qui peut avoir une valeur esthétique ou conceptuelle. Il peut s'agir d'une peinture, d'une sculpture, d'une photographie, d'un film, d'une musique, d'un dessin... Contrairement à l’objet technique, l’œuvre d’art ne sert à rien «Tout art est parfaitement inutile»-Oscar Wilde. C'est un objet en deux ou trois dimensions qui remplit une fonction esthétique. Une œuvre d'art singulière est souvent considérée dans le contexte plus large d'un mouvement d'art ou d'une époque artistique. Elle peut également être un élément au sein de l’œuvre globale d'un artiste. Le terme est couramment utilisé par les musées, les conservateurs du patrimoine culturel, le public intéressé, le secteur privé de la communauté des collectionneurs et des galeries d'art. Les objets physiques qui documentent des œuvres d’art sans importance ou conceptuelles mais qui ne sont pas conformes aux conventions artistiques du moment peuvent être considérés comme des objets d’art après leur apparition originale. Certaines œuvres conceptuelles Dada du début du 20e siècle et néo-Dada des années 1960 ont obtenu le statut d’œuvres d'art plus tard. En outre, certains des rendus architecturaux et modèles de projets non réalisés par des artistes tels que Léonard de Vinci, Vitruve, Frank Gehry et Frank Lloyd Wright, sont d'autres exemples d’œuvres d'art. Les produits du design d'environnement, dépendamment de l'intention et de l'exécution, peuvent être aussi des œuvres d'art : le land art, l’art in situ, l'architecture, les jardins, l'architecture de paysages, l'art d'installation, l'art rupestre et les monuments mégalithiques. On peut s’interroger sur l’essence de l’œuvre d’art en raison de la multiplicité des arts et des œuvres : elles ne semblent pas avoir en commun des caractéristiques qui justifient qu’on leur donne le même nom et qu’elles partagent la même essence. En effet existe-t-il quelque chose de commun aux monuments de l’Acropole, à une symphonie de Beethoven, à une toile de Picasso, un film, une BD, un emballage de bâtiment public par Christo, à une compression de César, à une pièce de théâtre, à un roman et à la poésie de Baudelaire ? Rien en apparence. Sauf que dans tous les cas, on a toujours trois éléments :

  1. Une œuvre d’art est le produit du projet d’un artiste. Elle est unique mais reproductible.

  2. Elle a pour caractéristique de s’adresser à un public sur lequel elle a certains effets, comme des émotions, un plaisir, l’ensemble étant le plus souvent lié à la beauté de l'œuvre.

  3. Elle est un objet en rapport avec les autres objets du monde dont elle semble dire quelque chose : il est courant de soutenir que les œuvres d’art représentent et expriment quelque chose. Ce qui veut dire qu’elles renvoient à quelque chose d’autre qu’à elles-mêmes. En somme, si pour pouvoir dire qu’un objet est une œuvre d’art, il faut que les trois éléments que sont l’artiste, le public et un certain rapport de l’œuvre au réel soient présents.

    Reconnaissons que ces trois éléments n’apparaissent pas toujours de manière simultanée et harmonieuse.

Dans la question l'adverbe nécessairement conditionne le sens du sujet : toute œuvre d'art doit-elle être belle ?

N'est-ce pas un peu réducteur de considérer l’œuvre d'art de considérer l’œuvre d'art comment ayant une finalité uniquement esthétique ? N'a-t-elle pas d'autres fonctions ? L’œuvre d'art doit-elle nécessairement refléter la beauté pour revendiquer le statut d’œuvre artistique ? Problématique : le rapport que l'art entretient avec le Beau est il un rapport de nécessité au sens où une œuvre d''art ne pourrait pas être belle ou la beauté n'est-elle qu'une option artistique parmi d'autres ? L'art ne peut-il pas avoir d'autres qualifications ? Est-ce la beauté des œuvres qui est à l’origine des effets qu’elles ont sur nous ou à l’inverse, ne trouve-t-on pas belles des œuvres parce qu’elles nous font de l’effet et seulement pour cela ? Qu’est-ce que la beauté d’une œuvre d’art ? De quelle beauté parle-t-on ?


Le Beau et les œuvres d’art.

On connaît les trois grands idéaux philosophiques platoniciens : le Beau, le Vrai, le Bien. L'artiste peut se contenter de rechercher la beauté, la satisfaction esthétique (satisfaction des sens). Mais les sens sont difficilement séparables de l'esprit et la satisfaction esthétique peut découler du dévoilement d'une satisfaction intellectuelle. Il est notoirement difficile d’énoncer un critère acceptable du Beau. Si on définit le Beau par opposition à ce qui n’est qu’agréable et à ce qui est bon ou bien, c’est-à-dire si on refuse de penser le Beau comme ce qui simplement procure du plaisir, alors on ne peut pas dire qu’il existe une définition du Beau artistique au sein du Beau en général. Les œuvres d’art n’ont pas une beauté différente de celles des choses et des êtres naturels : le Beau est indifféremment naturel ou artistique. Dans les deux cas, ce n’est pas l’objet qui est beau en lui-même mais sa représentation qui produit sur nous un effet agréable sans que ce plaisir soit lié à l’existence de cet objet. Ne dit-on pas belles certaines œuvres seulement parce qu’elles nous font un effet qu’on ne parvient pas à s’expliquer autrement qu’en invoquant leur beauté. N’est-ce pas par impossibilité de dire vraiment ce qui en elle nous touche qu’on les dit belles ? L’harmonie des formes, des couleurs, des sons, des parties par rapport au tout, harmonie qui peut dépendre des proportions, de la symétrie par opposition au difforme, à l’informe, au démesuré, au disproportionné, à l’inachevé, au déséquilibré.

La beauté concerne les rapports entre chaque élément d’un tout entre eux et les rapports entre chaque élément au tout lui-même. «La beauté n’est pas une qualité inhérente aux choses, elle n’est que dans l’âme qui les contemple, et chaque âme voit une beauté différente.» Hume -Le modèle du goût. Cette thèse consiste à dire que le Beau n’est pas objectif et se ramène à la satisfaction que procure la simple perception d’une chose. Ce que je trouve beau, c’est ce qui me procure du plaisir du seul fait de regarder ou d’entendre quelque chose. Ce qui signifie que la beauté n’est pas dans la chose mais dans l’effet qu’a la chose sur moi. Le Beau n’est plus un ensemble de qualités objectives, c'est un sentiment subjectif, un affect. Un sentiment, si par sentiment on entend l’effet qu’a une représentation sur celui qui perçoit quelque chose. Dans ces conditions, l’objet perçu devient secondaire et les raisons pour lesquelles un être est affecté par telle ou telle chose sont à chercher non dans la chose mais dans celui qui est affecté, son histoire, son état psychologique, dans ce qu’il est de plus singulier. Dire qu’une chose est belle serait alors un abus de langage : elle n’est ni belle, ni laide : elle n’est l’une ou l’autre que pour quelqu’un et non en elle-même. Ces qualités peuvent faire l’objet de mesures objectives, de mathématisation : ex. l’utilisation du nombre d’Or (tel que le rapport entre la petite portion et la grande soit égal au rapport entre la grande et le tout) en architecture et pour la composition de certaines peintures, le calcul et la géométrie pour rendre des perspectives ou en donner l’illusion.

Parler de la beauté des œuvres d’art comme ce qui les distingue des autres objets et comme ce qui explique qu’elles aient sur nous certains effets, n’est-ce pas un malentendu ? L’homme s’est toujours interrogé sur la beauté. Elle a suscité au fil des siècles nombres de réflexion, d’ouvrages et d’œuvres d’art ; elle semble continuellement lui échapper, puisqu’en perpétuelle évolution. L’œuvre d'art s'est de plus en plus éloignée de la nécessité de représenter le Beau. Barnet Newmann écrit en 1948 : «Le mobile de l'Art a été de détruire la beauté en niant complètement que l'Art ait quoi que ce soit à voir avec le problème de la beauté». Le Carré blanc sur fond blanc de Malevitch est une révolte contre les stéréotypes et la figuration académique. C'est l'art conceptuel : il ne représente rien, interloque et se refuse à toute logique s’affranchissant des notions de «beau» et de «laid». Seule compte le concept derrière la création de l’œuvre. L’art a été trop longtemps prisonnier de l’esthétique. C’est important la beauté mais l’art a également à voir avec l’intelligence, la connaissance. L’art fait penser, ce n’est pas seulement matière à émotion. On a longtemps considéré qu'une œuvre d'art devait être une pièce unique crée par un artiste (écrivain, peintre, sculpteur, musicien, photographe ou dessinateur) démontrant les qualités de ce dernier. Différents mouvements artistiques dont le ready-made ou l'art conceptuel ont battu cette idée en brèche. L'exemple le plus emblématique de cette conception de l'art étant l’œuvre de Marcel Duchamp «La Fontaine», qui est en fait un urinoir fabriqué industriellement. Marcel Duchamp avec ses "ready-made" utilise dans les années 30 des objets détournés qu'il baptise "œuvres d'art" et inaugure la suprématie du "concept". Certains artistes comme Damien Hirst tournent délibérément le dos à la beauté et choisissent d'évoquer la laideur ou l'informe. Piero Manzoni va encore plus loin dans l'art de la provocation avec sa «merde d'artiste». D’un côté, si l’on pose que certaines choses sont des œuvres d’art en amont de tout jugement de beauté, on doit abandonner tout critère du Beau ; d'un autre côté, si l’on a un critère indépendant du Beau, on doit rejeter hors de l’art un certain nombre de productions qui ne satisfont pas ce critère. Bien que l’une comme l’autre de ces solutions paraissent absurdes, c’est quelque chose qu’il faut démontrer. Il se pourrait que l’ambition d’énoncer un quelconque critère du Beau soit vaine. On peut même faire intervenir Kant Critique de la faculté de juger : pas de loi générale que l’on pourrait se contenter d’appliquer à des cas particuliers mais uniquement des cas particuliers dont on ne sait dériver une loi générale, que par conséquent il ne soit pas possible non plus d’énoncer un critère du laid et qu’enfin on ne puisse pas évaluer la beauté d’une œuvre d’art, de sorte qu’il soit possible de maintenir qu’une œuvre d’art est nécessairement belle en vertu de sa seule qualité d’œuvre d’art. Il se pourrait aussi que bien des productions présentées comme des œuvres d’art n’en soient pas. On a pu dire que les tableaux de Picasso, ce n’est pas de l’art mais du barbouillage. On peut aussi soutenir qu’il n’y a pas de relation logique entre la qualité d’œuvre d’art et la beauté et donc qu’une œuvre d’art peut être laide. Les mêmes difficultés se présentent cependant, puisqu’on ne dit alors pas ce qui fait la beauté ou la laideur d’une chose, ni ce qui fait qu’une chose est une œuvre d’art. Du moins avec la thèse d’une relation de nécessité entre qualité d’œuvre d’art et beauté pouvait-on se passer de déterminer ce qui fait la beauté d’une chose : il pouvait être suffisant que ce fût une œuvre d’art pour qu’on la déclarât belle. Ici en revanche nous sommes perdus, puisque certaines choses qui sont des œuvres d’art peuvent être laides. Dire que c’est le geste de l’artiste qui fait l’œuvre permet de justifier «la Fontaine» de Duchamp mais là encore on fait face à des difficultés : ne pourrait-on pas de la sorte affirmer que n’importe qui peut transformer n’importe quel objet en œuvre d’art, pourvu qu’il déclare que cet objet en est une. La recherche d’une essence de l’œuvre d’art s’est révélée vouée à l’échec, parce que des contre-exemples pouvaient toujours être trouvés, on en vient à soutenir qu’il n’y a pas d’essence de l’œuvre d’art et que par conséquent ce qui fait qu’une chose est une œuvre d’art doit être cherché ailleurs que dans la chose elle-même, d’où sa solution fonctionnaliste (ce sont des facteurs externes qui font qu’une chose fonctionne comme une œuvre d’art). Hegel a notoirement défini l’art comme la manifestation sensible du Beau. Dans cette perspective, on peut soutenir qu’une œuvre d’art est nécessairement belle parce qu’elle est la manifestation du Beau dans le monde sensible ou comme le dit Hegel, notre réalité sensible immédiate, c’est-à-dire celle à laquelle on a accès sans médiation, par opposition à la réalité de l’idée à laquelle on ne peut accéder que par le biais d’une médiation, comme l’art. On voit d’emblée que le sujet porte sur la notion d’œuvre d’art et qu’elle est associée à celle de beauté. Très vite, on remarque que le terme «nécessairement» radicalise la question : il ne s’agit plus de savoir si une œuvre peut être belle mais si la beauté est sa propriété essentielle, ce sans quoi elle n’est pas une œuvre d’art. On a vu que l’œuvre d’art n’a pas d’autre utilité que celle d’être perçue. Mais en quoi consiste cette utilité ? C’est celle de plaire, de toucher nos sens et par ce biais notre esprit. Elle est constituée de telle façon que les sons, les couleurs, les mouvements, etc. que l’on perçoit d’elle nous plaisent. Sa composition n’est donc pas livrée au hasard mais obéit à un certain ordre, que l’on peut qualifier d’harmonieux. En quel sens néanmoins la beauté n’est pas une propriété essentielle de l’œuvre d’art ? Une première difficulté vient de ce qu’il n’est pas aisé de définir et donc d’établir la beauté d’une œuvre. Il y a non seulement des goûts différents d’un point de vue individuel mais des conceptions différentes du Beau selon les cultures et les époques.Une seconde difficulté est que la notion de beauté ne rend pas bien compte de la diversité des œuvres d’art et des usages de l’art. Une œuvre d’art ne fait pas que plaire par sa beauté : elle peut aussi émouvoir. Elle s’adresse à la fois aux sens, à l’imaginaire et à l’intelligence : elle fait sentir, agir, penser. Aussi la notion de beauté peut-elle être jugée réductrice pour la définir.

De prime abord, est qualifié d’art une œuvre, une production de l’esprit, dont on estime qu’elle est belle. Mais à qui fait référence ce “on” ? S’agit-il d’un jugement de goût relatif à chacun ? Dans ce cas, comment se mettre d’accord sur la beauté d’une œuvre ? Serait-ce la quantité qui permet d’établir un jugement esthétique ? Ou alors “on” fait-il référence à un critère préexistant à tout jugement esthétique individuel ? Dans ce cas, sur quel critère absolu, sur quel principe fonder le Beau ? Dire d’une œuvre qu’elle est nécessairement belle reviendrait à affirmer qu’il existe des critères a priori permettant de statuer sur la valeur esthétique d’une proposition artistique. Cela signifierait donc qu’on pourrait établir scientifiquement, selon un principe de nécessité, la beauté d’une œuvre. Deux raisons principales s’y opposent : la beauté n’est pas quantifiable ; l’essence de l’art consiste à proposer des visions sublimées, alternatives, désintéressées d’un monde quantifiable, mesurable, normé. Finalement, se confronte une vision absolue du Beau telle que le conçoit Platon qui dit d’une marmite qu’elle est belle si elle est fidèle à l’idée de marmite conçue dans le monde intelligible et la vision d’Emmanuel Kant pour qui le Beau est davantage un sentiment propre au sujet. Pourtant, ce jugement esthétique a pour lui une valeur universelle,dans le sens où l’œuvre d’art est désintéressée, c’est une finalité qui permet de concevoir une "subjectivité universelle". Emmanuel Kant écrira d’ailleurs "est beau ce qui plaît universellement sans concept".

Le Beau est pourtant une caractéristique nécessaire et non contingente de l'œuvre d'art puisque ce critère est ce qui accompagne le projet de l'artiste. L'œuvre d'art, même si elle représente un objet laid dans la vie, est une forme nécessairement belle, le Beau étant par ailleurs défini par Kant comme un jugement de goût universel. Définir une œuvre d'art n'est pas une chose facile. Pourquoi considère-t-on le ballet comme de l'art et non le patinage artistique ? Qu'est-ce qui différencie fondamentalement l'architecture du design tel qu'il est utilisé en automobile, par exemple ? Spontanément on serait tenté de voir dans la beauté un critère permettant de faire aisément la distinction entre l'œuvre d'art et l'objet ordinaire. Car si nous parlons d'œuvre d'art et non uniquement d'art, c’est qu'il s'agit bien de la production, fruit du travail de l'artiste. Cette œuvre peut donc se distinguer du produit des travaux plus ordinaires par sa beauté : l’œuvre d'art n'est pas n'importe quel objet, c’est un objet qui nous procure du plaisir, au contact duquel nous éprouvons une satisfaction esthétique. La beauté semble donc constituer le critère fondamental permettant de différencier l’œuvre d'art des autres objets. Il peut être bienvenu de donner toute sa place au «nécessairement» du sujet. En effet, si une œuvre est nécessairement belle, cela signifie qu'il ne peut en être autrement, que la beauté est constitutive de l'œuvre d'art, qu’elle la définit. Il ne pourrait donc pas y avoir d'œuvre d'art qui ne soit pas belle et peut-être cela impliquerait-il que tout bel objet soit une œuvre d'art.

On voit alors le problème. D'une part, nous connaissons des exemples d'œuvres d'art que nous ne trouvons pas belles. Si l'on définit la beauté selon son sens classique (une certaine harmonie des sons et des couleurs, inspirée notamment de la nature), toutes les œuvres d'art ne sont pas belles. Alors quel sens cela a-t-il de parler de la beauté d'une œuvre ? La beauté n'est-elle pas une impression purement subjective ? En quoi et pour qui une œuvre d'art peut-elle donc être belle ? Dans le même temps, si ce n'est pas la beauté qui distingue les œuvres d'art des autres objets, quel pourrait alors être le critère de définition des œuvres d'art ? On parle de beaux-arts pour évoquer les œuvres d'art et distinguer l'art qui nous occupe ici des arts tels qu'ils existent dans les Arts et Métiers qui se rapprochent davantage de la technique. Cette appellation – toutefois d'apparition tardive – laisse entendre que l'œuvre d'art se caractérise bien par sa beauté. Sa finalité serait de nous faire éprouver une satisfaction esthétique grâce à cette beauté. Kant parle ainsi, dans la Critique de la faculté de juger, de l'œuvre d'art comme la «belle représentation d'une chose» et non la représentation d'une belle chose. La beauté n’est donc pas celle de l'objet représenté mais de la forme propre à l’art. Si l’œuvre d'art est nécessairement belle, elle l’est selon les normes de l'art. Ainsi l'œuvre d'art peut porter sur un objet dans la réalité insignifiant ou laid et en offrir une belle représentation. La beauté de l’art n'est pas celle du réel. Tout l'intérêt de l’art est de donner de la beauté à ce qui dans la réalité n'en a pas. Toutefois, les normes classiques de la beauté, même si elles ne visent pas une simple imitation de la nature, s’inspirent de celle-ci en reposant sur l’idée d'une harmonie des sons et des couleurs, notamment qui ressemblent à celle que l'on trouve dans la nature. Dans son «Traité de la peinture», Léonard de Vinci insiste ainsi sur l’importance pour le peintre de respecter les proportions des visages et des corps dans l'art du portrait. On peut également penser aux règles d'unité du théâtre classique. Dans cette perspective, la beauté fait presque l'objet d'une mesure (le nombre d'Or en architecture). Dès lors, l'art doit viser cette perfection, cette harmonie des formes, des sons, des couleurs.

Une œuvre d'art n'est pas nécessairement belle car la beauté est relative. On peut développer l’idée que l'œuvre d'art ne peut pas être considérée comme nécessairement belle dans la mesure où cela impliquerait que la beauté d'une œuvre fasse l'objet d'un consensus alors même que le goût nous semble variable. Le seul jugement de goût rebutait jusqu’à Hume, qui y voyait une porte ouverte à un relativisme infécond ; il a évité cet écueil en se rapportant au goût éduqué par la pratique, la fréquentation d'un art particulier, par l’acquisition d’une certaine habitude. Car le bon goût est quelque chose qui s’apprend et qui repose avant tout sur le fait que l’on fréquente les musées ou les salles de cinéma, que l'on boit du vin de qualité. D’une manière générale nous pouvons à juste titre reprendre les mots de Protagoras «l'homme est la mesure de toutes choses» pour illustrer le relativisme du jugement de goût. Il n’y a pas moyen d’évoquer ni même de regarder une œuvre d’art de façon objective, nous ne pouvons pas échapper à notre subjectivité, un tableau n’est beau que par nos yeux, il pourra en conséquence être perçu comme laid par une autre personne. Il semblerait donc qu’en matière de jugement de goût, le relativisme et le subjectivisme soient dominants. Le goût n’est-il pas subjectif ? À tout le moins relatif ? Comment alors dire qu’une œuvre d’art est nécessairement belle, c’est-à-dire que tout le monde devrait la trouver belle? On ne peut toutefois pas parler d'une simple subjectivité du goût. Il faut reprendre la distinction opérée par Kant entre le beau et l’agréable dans la Critique de la faculté de juger. L’agréable, lié aux sens, est purement subjectif mais pas le Beau. D’une manière générale, comme le montre aussi David Hume dans Essais esthétiques ou encore le sociologue Pierre Bourdieu dans La Distinction, la constitution du goût passe par la culture et l’éducation. Il ne peut donc pas être uniquement lié à notre subjectivité mais dépend aussi du contexte historique, social, économique... Ainsi ne peut-on pas réellement considérer la beauté comme purement subjective. Elle peut être en revanche relative. Dès lors, au sens classique de beauté telle que nous l'avons définie, une œuvre d'art n’est pas nécessairement belle. Elle peut être difforme (Picasso, Giacometti), dissonante (Boulez), déstructurée (théâtre et danse contemporains). L'évolution des techniques, la transformation de la nature et de notre rapport à la nature, le recul de la perception de la nature comme une création divine expliquent que les normes de beauté évoluent. Si l'œuvre d'art n'est plus principalement définie par sa beauté, la question se pose alors de savoir ce qui la caractérise. En quoi est-elle autre chose qu'un objet ordinaire ? L'œuvre d'art n'est pas nécessairement belle car sa finalité est ailleurs.

Il peut être intéressant dans un troisième temps d'envisager des alternatives à la beauté comme signe distinctif de l’œuvre d'art. L’œuvre d’art est en effet le produit d’un travail, de l’utilisation d’une technique. Nous avons vu que, dans le sens classique, l'œuvre d'art n'est pas toujours belle. Nous savons aussi que d'autres productions humaines peuvent dans ce sens, être belles (une voiture mais aussi un discours politique, par exemple). Or l’un des enjeux de la question de l’art est d'essayer d’identifier ce qui caractérise cette forme particulière de travail et la distingue des autres. Si ce n'est pas la beauté, comment faire en sorte que l'art ne soit pas réduit à n'être qu'une activité parmi d'autres. L’importance de l'art tient bien à sa capacité à nous toucher, à être une puissance d’évocation. Même si la beauté est comme nous l'avons vu relative, nous sommes sensibles à des œuvres qui appartiennent à d’autres temps, d’autres lieux, d’autres cultures. On peut ainsi penser à Hannah Arendt qui, dans La Crise de la culture, définit la durée comme signe distinctif de la culture et donc de l’art. C’est l’inscription de l'œuvre dans la durée qui en fait la dimension culturelle. La beauté n’est alors que secondaire (conséquence et non cause de cette durée), car si les œuvres sont faites pour rester, autant qu'elles soient belles. À quoi tient cette capacité à durer ? L'œuvre d’art fait sens à travers le temps. Elle nous dit et nous révèle quelque chose du réel, de nous, des autres, de notre condition humaine ou sociale. Cette dimension symbolique de l’œuvre d’art se trouve au cœur de la définition qu'en donne Hegel dans L'Esthétique. On peut aussi évoquer Bergson La pensée et le Mouvant ou Proust Le Temps retrouvé, pour qui l’œuvre d'art a pour fonction principale d'éclairer et d'éveiller notre perception de la réalité, en nous donnant à voir ce que d'ordinaire nous ignorons. Il y a donc quelque chose à penser dans l'œuvre d'art, car elle a un sens (ce qui n'est pas nécessairement un message), des sens même : elle est ouverte à la pluralité des interprétations comme le symbole, ce qui la distingue d'un objet ordinaire. Pour finir, on peut évoquer le «καλὸς κἀγαθός » des Grecs, pour qui le Beau et le Bon ne font qu’un. La beauté n’est en effet pas forcément formelle, superficielle, sensible mais peut aussi émaner d'une œuvre qui précisément nous bouleverse par la puissance de ce qu'elle signifie, de même que nous ne sommes pas seulement sensibles à l'apparence physique d'autrui. En cela, nous comprenons mieux en quoi une œuvre peut être belle quand bien même elle représente le pire de la réalité (pensons au film le Fils de Saul qui se déroule dans un camp de concentration).

Aujourd’hui, la beauté n’est plus un critère pour définir la qualité d’une œuvre d’art. Beaucoup d’œuvres sont dis-harmonieuses, dérangeantes voire choquantes : leur finalité est ailleurs. Une œuvre d'art n'est pas nécessairement belle si l'on entend par là une beauté classique et formelle. La spécificité de l'art est d'avoir un sens et de faire sens à travers le temps. En cela, même formellement dis-harmonieuse, l'œuvre d'art garde sa puissance d'évocation et c'est justement la signification que nous y trouvons qui en fait la beauté, au-delà de la pure dimension formelle et superficielle. Déjà la réponse positive est gênante parce qu’elle force soit à renoncer à tout critère du beau, soit à nier la qualité d’œuvre d’art à des productions qui ne satisfont pas quelque critère du Beau.

  • On peut toutefois maintenir une réponse positive en s’appuyant sur Hegel : en tant que manifestation sensible du Beau, une œuvre d’art ne peut qu’être belle.

  • La réponse négative est aussi gênante, même si elle peut être défendue en s’appuyant sur les faiblesses propres à la réponse positive, parce qu’elle nous plonge dans un véritable flou artistique : on ne sait plus ni ce qui est beau, ni ce qui fait qu’une chose est une œuvre d’art.

  • On peut cependant contourner ces difficultés en s’attachant à montrer que la recherche d’une essence de l’œuvre d’art est vaine et qu’à partir de là, le jugement de goût (beau ou laid) importe peu.

    L’œuvre d'art peut-elle ne pas être belle ? L'art au sens propre du terme désigne la représentation matérielle d'une idée ou d'un concept à travers des formes, des couleurs, des signes, etc. On parle justement de création artistique. Celle-ci est, depuis que l'art est apparu, dictée par les avancées scientifiques et techniques, la société et le temps. C'est à la Renaissance que la notion de beauté de l'art prend le plus d'ampleur avec l'architecture, la sculpture ou la peinture. La beauté devient la caractéristique fondamentale de l'art, ainsi que la finalité recherchée dans la production artistique. Pourtant n'est-ce pas un peu réducteur de considérer l’œuvre d'art comment ayant une finalité uniquement esthétique ? N'a-t-elle pas d'autres fonctions ? Les artistes à la Renaissance idéalisent les attentes que se fait la société, comme dans la représentation du David de Michel-Ange, représentant un homme sans une imperfection, cette sculpture qui est l'idéalisation du corps de l'homme. Le corps humain devient aussi perfection dans la représentation de «L'homme de Vitruve» de Léonard de Vinci, la perfection devient beauté et la beauté devient essence de l’œuvre d'art. De même en architecture, le nombre d'Or devient le code à respecter pour bâtir, c'est la proportion divine puisée dans la nature et à la Renaissance la beauté est nature. Cette pensée n'est plus appliquée de nos jours mais on trouve d'autres domaines où la beauté est nécessaire à l’œuvre d'art notamment dans le design aussi puisque ce mouvement artistique s'inscrit dans notre époque, il est donc dépendant de nos attentes, de nos goûts, de nos envies. Il dépend finalement de la conception de la beauté que l'on se fait de nos jours. Cependant n'est-ce pas un peu réducteur d'une œuvre d'art de la définir comme uniquement belle ? La notion de beauté est en réalité très subjective. Elle n'est pas universelle mais singulière. Dans une certaine mesure, on peut considérer que chaque personne a sa propre notion de la beauté, qu'elle soit idéalisée ou non. La beauté dépend de la société et l'évolution de celle-ci au cours du temps. La représentation de Vénus, dans le domaine de la peinture, a constamment évolué au cours des siècles passant d'une femme sans la moindre imperfection à une femme ayant des formes plus généreuses au XIXe siècle pour enfin être une femme de plus en plus mince à la fin du XXe. En peinture, l'abstrait change la conception de la beauté que l'on se faisait jusque là assez académique. Notre esprit ne doit plus s'arrêter à ce que l'on voit mais à ce que l'on ressent. La beauté devient abstraite. En d'autres termes, l'on ne demande pas à une œuvre d'art d'être belle physiquement mais de nous transmettre quelque chose : une émotion, un désir, etc. C'est d'ailleurs ce qui donne tout son sens à l'artiste, la beauté n'est pas qu'une affaire d'apparence ; on peut très bien trouver un tableau sans grande technique qui nous procure une réelle admiration. Toutefois il est, pour une œuvre d'art, un peu réducteur de penser que cette dernière n'a été faite que d'un point de vue esthétique et que sa fonction principale serait d'être belle au sens propre et n'aurait que cette qualification. Or, l’œuvre d'art n'a-t'-elle pas d'autres qualifications, d'autres objectifs ? En effet, une œuvre d'art n'est pas toujours créée pour être belle et plaire mais faite aussi pour déranger, s'imposer, dénoncer. C'est le cas de l'art engagé avec par exemple le célèbre tableau de Picasso : Guernica, que l'artiste a peint pour dénoncer. En le peignant il n'a pas cherché à ce qu'il soit beau mais à ce qu'il choque. Sa fonction principale est la dénonciation, l’œuvre n'a pas besoin d'être belle, ce n'est pas son but. C'est ce que nous pouvons voir dans le symbolisme, où la visée principale est de symboliser des émotions, des moments, etc. On peut prendre aussi l'exemple du tableau «Le Cri de Munch», qui cherche à transmettre une émotion de souffrance à l'observateur. C'est à cela que sert le tableau. L'histoire de l'art est donc une histoire de la provocation. L'art en soi provoque l'idée même de ce que les choses doivent être. Si un artiste peintre ne cherche pas pas la provocation, alors il se contente de peindre toujours la même peinture en rajoutant son nom. Il faut tester jusqu'où peuvent aller les limites de l'art. Tous les artistes ne cherchent pas forcément à créer pour mettre en avant la dimension esthétique de l’œuvre. On peut à ce titre convoquer Marcel Duchamp. Son but, entre autres, était justement de briser les règles et techniques liées à la création classique, avec toute la recherche esthétique qui l'entoure, au point de revendiquer la laideur, le banal. L’œuvre d'art peut donc ne pas être belle au sens propre du terme, c'est à dire que ce n'est pas forcément ce que recherche l'artiste ou tout du moins ce n'est pas la première qualification ou fonction de l’œuvre d'art. Cependant la beauté est aussi l'émotion que laisse paraître l’œuvre de l'artiste, c'est ce qui peut nous toucher. Une œuvre d’art n’est pas nécessairement belle mais elle est nécessairement esthétique au sens propre du terme grec αίσθησιs “sensation”. La beauté n’est qu’une option parmi d’autres pour toucher nos sens. Le domaine du goût est certes voué au relativisme car il repose en dernière instance sur la culture et la sensibilité individuelle.

    En réponse à la question : une œuvre d’art n’est pas nécessairement belle, mais elle est nécessairement esthétique au sens propre du terme “toucher la sensibilité”. La beauté n'est qu'une option parmi d'autres pour toucher nos sens.

    Alors paraphrasant Montaigne «Je vous donne mon avis sur les œuvres d'art d'aujourd'hui, non comme bon mais comme mien». Dès la fin du XIXe siècle, les peintres et les compositeurs rompent avec la tradition et cherchent à se libérer des normes. Ils vont s’atteler à déconstruire les systèmes de référence des beaux arts : l’imitation du modèle, la fidélité à la nature, l’idée de beauté, l’harmonie des sons et des couleurs, la hiérarchie des genres… tous ces canons académiques sont rejetés. C'est l'art moderne. Puis en 1945 naît l'art contemporain. Les artistes ne se limitent pas à une libération de la forme. L’œuvre d’art doit rencontrer largement le public, échapper au marché de l’art et souvent quitter la classification des arts pour provoquer un sursaut d’émancipation sociale. L’art franchit les limites disciplinaires : réalisateurs, écrivains, danseurs, musiciens, peintres, sculpteurs coopèrent et expérimentent, créent des performances. Les supports, les matériaux, les techniques se diversifient. Des objets quotidiens et des techniques nouvelles sont utilisés dans l'écriture, les films, la musique, les peintures et les sculptures (pop art). La présentation, la diffusion sont également questionnées : les œuvres éphémères sont intéressantes pour ces artistes anti-capitalistes, car elles ne peuvent pas être commercialisées. D’autres champs sont explorés, comme le langage, le temps, le son, allant même jusqu’à dématérialiser l’œuvre d’art. Le rejet du figuratif et le goût pour l’abstraction est à l’origine de cette coupure. Les expositions d’art, dernier refuge d’un simulacre d’esthétique, sont devenues incompréhensibles pour le commun des mortels. Ces temples du crétinisme artistique sont fréquentés uniquement par les initiés, cultivant un élitisme féru d’hermétisme culturel et un entre-soi pétri d’arrogance intellectuelle. La banalité de l’art et la débilité culturelle s’exposent fièrement dans les galeries visitées par les classes opulentes. L’art est à l’image de notre société : décadent, symptôme du désarroi intellectuel et spirituel. Lorsqu'on ne sait plus à quoi servent les œuvres d'art, c'est que l'on ne sait plus à quoi servent les piliers de la société et donc la société elle-même. L'art est fondé sur un nombrilisme dans lequel la superficialité le dispute à l’artificialité. La créativité cède à la conformité avec le nouvel esprit nihiliste du capitalisme dominé par la production en série d’objets factices. En matière d’art tout objet insignifiant peut être métamorphosé en représentation artistique par la grâce de la propagande médiatique affidée, chargée de vendre la camelote idéologique sous emballage culturel. Tout se prête à exposition, surtout la médiocrité artistique. Les idéaux universels sont délaissés au profit de modèles égocentriques, narcissiques et libertaires. L’égotisme est devenu la valeur refuge dans cet univers aliénant, ayant érigé les caprices individuels en culture dominante. La réalité artistique a été congédiée de l’univers culturel. Seules dominent les capricieuses fantaisies infantiles élevées au rang d’objet d’art. Même les avant-gardes artistiques se sont muées en arrière-garde culturelle, à la remorque de la vulgarité des arts «mercantilisés». L’art n’exprime plus au travers de ses créations les engagements collectifs mais se borne à valoriser le narcissisme ambiant par la mise en vente de productions d’artistes déconnectés de la réalité. Aujourd’hui l’art verse dans la vulgarité généralisée. La quête de l’originalité esthétique a été bannie et la stérilité artistique bénie. L’art contemporain ne produit plus d’utopies salutaires. Aussi, faute de transformer la société, se borne-t-il à transformer les objets de fabrication industrielle en œuvres d’art : boîte de conserve, bouteille de Coca Cola, urinoir, porte bouteille, chaise, grille pain, tout produit peut se transmuer en œuvre d’art monnayable sur le marché et vendue à prix d’or aux collectionneurs richissimes qui préfèrent investir dans la vacuité culturelle que dans la production industrielle. Enfant bâtard d’un capitalisme libertaire débridé, l’art valorise outrancièrement l’exhibitionnisme et la pornographie culturelle.

    Produit d’une société capitaliste vulgaire, il exalte le scatologique et le morbide.

    Plus c’est laid, plus les imbéciles achètent. […] Je suis seulement un amuseur public qui a compris son temps et épuisé le mieux qu’il a pu l’imbécillité, la vanité, la cupidité de ses contemporains. […] Dans l’art, le peuple ne cherche plus consolation et exaltation […] mais l’étrange, l’original, l’extravagant, le scandaleux […]. J’ai contenté ces maîtres et ces critiques avec toutes les bizarreries changeantes qui me sont passées en tête. Et moins ils comprenaient, plus ils m’admiraient […] Je n’ai pas le courage de me considérer comme un artiste dans le sens grand et antique du mot […]. Je me suis largement servi de la bêtise des gros bourgeois, mais quand je me retrouve seul devant un Rembrandt, j’ai honte de moi-même.” (Lettre de Picasso à son ami Giovanni Panini, 1952)

    Le sens de la transcendance du Beau ne l’avait donc pas quitté mais il l’avait trahi.
  • Nous avons tous l’expérience d’un tableau ou d’un morceau de musique qui a suscité notre aversion ou nous a laissé totalement indifférent. Alors je suis de ceux qui disent «non définitivement l’art contemporain, ce n’est pas pour moi !» Comme eux, je n'y comprends rien et je pense qu'il faut savoir faire preuve d'humilité lorsqu'on est ignorant sur ce sujet comme sur d'autres. Pour ma part j'ai demandé, lors d'une exposition au musée de Cholet, au peintre qu'il m'explique ses tableaux abstraits par peur de passer pour un idiot, car il est de bon ton de faire comme si ce qu’on nous met sous les yeux recèle une richesse inestimable (chiffrée à plusieurs milliers d'euros tout de même). Il m'a répondu que j'étais trop inculte pour comprendre. Je me demande bien qui devrait faire preuve d'humilité. Sûrement vous mêmes êtes déjà sortis d’une exposition habités par la frustration que provoquent ces toiles qui refusent de se plier au monde de l’entendement, en ayant l’impression d’avoir perdu votre temps et vous jurant que l'on ne vous y reprendrait plus ? Et la musique contemporaine, l'empire de la dissonance, est aussi pour moi difficilement écoutable.

Néanmoins, pour que l’Art continue de vivre, peut-être est-il essentiel que nous n’y comprenions rien. Acceptons de rester dans cette incompréhension fondatrice, ce tâtonnement des hypothèses vaines car c’est peut-être dans leur confrontation que renaîtra le véritable art qui pour moi doit être beau, valeur universelle à laquelle il se réfère traditionnellement de même que la philosophie se réfère au vrai et l'éthique au bien car le Beau existe indépendamment de son auteur, de l’époque et du lieu. Vases Ming, sculptures africaines, théâtre No, ragas indiens : dans tous les arts et sous toutes les latitudes, certaines œuvres accèdent à ce statut et comme le dit un site de vulgarisation philosophique : «L'arbitraire du goût semble parfois transcendé par la force de l'œuvre»              JF Boyer  02/2022


 

 

 


 

 

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