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10 mai 2019 5 10 /05 /mai /2019 08:40

Introduction :

En d'autres termes, est-il possible et/ou a-t-on le droit de qualifier une théorie scientifique de vraie ? Y-a-t-il des critères du vrai selon lesquels nous pourrions être absolument certains de la réalité de ce que nous tenons pour vrai ? Est-ce légitimement que l'on décide de la valeur de vérité d'une théorie ?

Une théorie (du grec θεωρία : spéculation) est un ensemble cohérent de notions et de concepts qui en sont les éléments fondamentaux. Par extension le mot désigne une vue de l'esprit détachée des applications pratiques. En langage courant il désigne des faits imparfaitement étayés, la synthèse des savoirs sur un sujet constituant une médiation entre le domaine du réel et celui du visible. L’étymologie du terme théorie renvoie donc à une vision intellectuelle et au domaine de la spéculation par opposition à la pratique, d'où l'expression «en théorie». Une théorie est simplement le procédé naturel qui permet de faire coller notre représentation du monde au monde lui-même pour en prédire quelque chose. Toute théorie n'est pas scientifique : théorie du genre, du complot, du ruissellement, sur la meilleure façon de planter les choux, de couper les cheveux ou sur la façon dont se comportent les corps solides (physique naïve) et différentes théories philosophiques qui se regroupent en écoles de pensées mais l'énoncé du sujet exclut le problème des théories non scientifiques. En science, c'est un système formé d'hypothèses vérifiées et de règles logiques, qui sert à définir, décrire, comprendre, expliquer un phénomène particulier, un ensemble de relations propres à ce phénomène suite à la vérification d’un certain nombre d’hypothèses induites par l'accumulation de faits provenant de l'observation ou de l'expérimentation. Une théorie ne sera considérée comme scientifique que si elle apporte une connaissance de la réalité. Ce qu’on lui demande c’est de nous expliquer les choses que l’on ne comprenait pas auparavant. Elle nous permet de percevoir un aspect du réel de manière logique et formelle. Elle se distingue par le fait que le théoricien se donne les moyens de réfuter chacune de ses hypothèses, ce qui n'est pas le cas des autres tentatives d'explications du vivant (comme le créationnisme ou l'Intelligent Design qui en dérive). C'est un ensemble d'idées soit coordonnées logiquement : théorie de l'évolution, théorie freudienne de l'inconscient, soit systématisées mathématiquement : théories des probabilités, théorie de l'attraction universelle, etc. Ces informations autorisent une première approche des caractéristiques d'une théorie scientifique. Mais la question est de savoir quelles conditions doit remplir une théorie scientifique pour être acceptable. Quant à la vérité, c'est ce qui est conforme à connaissance de la réalité d'une chose par opposition à ses manifestations superficielles mais la vérité d'une théorie scientifique est difficile à établir. Si cette théorie n'est pas vérifiée par l'expérience, elle n'est pas scientifique. «Une théorie est quelque chose que personne ne croit, excepté la personne qui l’a faite. Une expérience est quelque chose que tout le monde croit, excepté la personne qui l’a faite» Albert Einstein.

Chacun, ne serait-ce que par ouï-dire, connaît des théories scientifiques : théorie de la gravitation de Newton, de la descendance avec modifications par la sélection naturelle de Darwin, de la relativité d'Einstein, quantique de Planck, de l'information de Shannon, du chaos, etc. (j’y reviendrai si cela vous intéresse). Pour qu’une théorie soit considérée comme faisant partie des connaissances établies, il est nécessaire qu'elle produise un résultat expérimental qui ne pouvait être prévu par aucune autre théorie. Il s'agit de concevoir une expérience en essayant d'en prévoir le résultat. Deux possibilités :

  • si les conséquences prévues ne sont pas contredites par la réalité observée et mesurée, la théorie et ses principes se trouvent confortés mais attention, si un phénomène observé paraît vrai, l’expérience de l’illusion peut contredire une telle appréciation dans l’appréhension immédiate du réel. Le défaut de l’observation, c’est que par définition elle passe par les sens. Or les sens ne sont pas une source fiable de connaissance. Tout repose plutôt dans l'interprétation des résultats de l'expérimentation. Certaines théories se sont ainsi révélées fausses. Depuis l'Antiquité, la théorie de la génération spontanée paraissait la seule explication raisonnable à l'apparition de petits organismes comme des asticots dans la matière en décomposition. Il fallut attendre le XIXème siècle pour que Pasteur démontre par ses expériences qu'elle était fausse. D'autres théories scientifiques n'expliquent qu'une partie de la réalité. Cela est dû aux limites de la théorie, soit que son concepteur n'avait pas envisagé tel ou tel phénomène, soit que les phénomènes que la théorie n'explique pas n'étaient pas observables à l'époque.

 

  • si apparaissent des faits observés et mesurés que la théorie ne prévoit pas, soit il faut la modifier soit en préciser les limites. Prenons par exemple, la théorie de la gravitation de Newton qui permet d'expliquer la trajectoire des astres dans l'espace. Grâce à ses hypothèses sur la réalité physique des relations entre matière, forces et mouvements, Newton put retrouver les lois de Kepler qui décrivaient le mouvement des planètes. Cependant dans certaines situations, l'application de cette théorie mène à des résultats faux (c'est-à-dire différents de l'observation). Dans ce cas, c'est la théorie d'Albert Einstein qui s'applique. En 1915, il a formulé la théorie de la relativité générale. Celle-ci montre que la loi de Newton est valable à un très haut degré d'approximation pour les planètes éloignées du Soleil mais que les effets de la gravitation n'obéissent plus à une règle aussi simple quand on s'en approche.

Une théorie scientifique n’est pas une pure spéculation intellectuelle. Elle est plus proche d’une loi que d’une hypothèse et elle s'exprime souvent en langage mathématique. Il s’agit d’une explication d’un ensemble d’observations corrélées ou d'événements basés sur des hypothèses maintes fois vérifiées. Certaines théories sont extrêmement solides et disposent de nombreuses preuves. Beaucoup sont élaborées par des scientifiques illuminés et bien évidemment fausses. La terre plate : pendant des siècles, on pensait que la terre était plate. Une théorie depuis longtemps prouvée fausse mais qui est toujours défendue par les membres de la Flat Earth Society, une organisation créée en 1956 pour la soutenir. Le poids de l'âme (également connue sous le nom de "théorie des 21 grammes") : cette thèse du poids de l'âme a été établie par le médecin américain Duncan Mac Dougall en mars 1907. Celle-ci défend l'idée qu'au moment de notre mort, l' âme quitte le corps et que cette dernière pèse très exactement 21 grammes (une légende qui a même inspiré Alejandro González Iñárritu pour son film 21 Grammes.) L'expansion terrestre (très à la mode dans les années 60) : cette théorie défend l'idée que l'écartement des continents est dû à un grossissement de la Terre et non à la tectonique des plaques. L'idée d'une Terre creuse a persisté au cours des siècles et fait troublant : depuis quelques années, ce sont aujourd'hui des dizaines de sites web fournissant informations, photos, schémas, explications scientifiques (et parfois mystiques) qui réactivent la théorie et tentent de la prouver… et il y en a beaucoup d'autres. A contrario il n’existe malheureusement aucun mot pour qualifier une théorie sérieuse établie : la théorie de l’évolution est pour certains un dogme qui s’est développé, pour d'autres elle est un fait scientifique qui n'a jamais été réellement mis en défaut. Cette théorie, parce que Darwin n'avait pas les connaissances actuelles sur certains sujets dont la génétique et la théorie du big-bang dont un faisceau d’indices tend aujourd’hui à remettre en cause en tant qu’instant originel de l’Univers, restent des théories non confirmées. Il est important de noter que lorsqu'une théorie devient obsolète, ce peut être pour deux raisons : soit elle est prouvée fausse (comme la génération spontanée), soit une théorie plus générale l'englobe (cas des théories de la gravitation). Dans le second cas, les outils des anciennes théories peuvent toujours servir dans les limites de leur application : on se sert toujours couramment des lois de Newton pour la physique sur terre ou pour mettre des satellites en orbite. Une théorie scientifique est donc un moyen de résumer les connaissances de l'époque et d'imaginer de nouvelles expériences, la relation entre la théorie et l'expérience étant une relation dynamique. D’une part certaines théories scientifiques semblent relever de l’invention : c’est le cas de la théorie de la relativité restreinte énoncée en 1905 par Albert Einstein, qui est basée sur deux postulats, c’est-à-dire des idées admises que l’on ne sait pas démontrer :

1er postulat (dit principe de relativité) : toutes les lois de la physique sont les mêmes dans les référentiels galiléens (un référentiel galiléen est un référentiel isolé sur lequel ne s'exerce aucune force ou sur lequel la résultante des forces est nulle et dans lequel le principe d'inertie est vérifié c'est à dire que tout corps ponctuel libre est en mouvement de translation rectiligne uniforme ou au repos. Les lois de la mécanique gardent leur valeur dans les systèmes de coordonnées dits galiléens et Einstein généralise cette hypothèse en l’appliquant à toutes les lois de la physique (mécaniques, électro dynamiques et optiques)

2ème postulat : la vitesse de la lumière dans le vide est la même quel que soit le référentiel galiléen dans lequel on l’observe. Ceci est très nouveau et s’oppose formellement à l’hypothèse de temps absolu.

Ainsi cette théorie semble être purement le fruit de l’imagination de son auteur, invention qui peut paraître sans rapport à la réalité. D'autre part une théorie scientifique peut également résulter d’une découverte. Ainsi Galilée a produit une théorie sur les propriétés du pendule en observant l'oscillation du lustre de la cathédrale de Pise. Il aurait remarqué que les balancements du lustre conservaient la même durée bien que leur oscillation diminuât. On peut donc se demander si une théorie scientifique est une invention ou une découverte. Pour être scientifique, une théorie ne doit pas seulement être constituée de propositions, hypothèses ou lois articulées de façon logique. À l'exception des théories mathématiques, il faut aussi un rapport au réel. Une théorie ne sera considérée comme scientifique que si elle est confrontée à la réalité dont elle prétend apporter une connaissance. Elle a donc nécessairement rapport avec des faits. Si les faits la confirment, elle est vraisemblable tant qu’on n’a pas montré qu’elle était fausse. Tout au plus certaines hypothèses avancées ont été complétées car les faits à eux seuls ne permettent pas de confirmer ou d'infirmer une théorie scientifique. Confirmer, c'est donner des preuves qui entraînent à admettre la validité d'une théorie de façon indubitable. Infirmer, c'est le contraire : une théorie infirmée est une théorie reconnue possiblement comme fausse.

Élaboration d'une théorie par induction, déduction et abduction :

ces termes désignent des procédures de raisonnement, des idéaux car aucune d’entre elles ne correspond à la réalité des pratiques scientifiques et des modalités de recherche et il serait réducteur de croire que les théories scientifiques s’appuient nécessairement sur l’une ou l’autre de ces procédures. Elles se fondent le plus souvent sur les trois : la posture inductive du chercheur accorde la primauté à l’enquête, voire à l’expérience, la déductive accorde la primauté au cadre théorique, l'abductive permet d’expliquer un phénomène à partir de certains faits.

L'induction (-du latin inductio, action d'amener, d'introduire, de déterminer un parti pris après réflexion-), est une opération mentale qui consiste à remonter de cas particuliers à une proposition générale. Exemple : on voit une quantité de cygnes blancs donc tous les cygnes sont blancs. L'exemple n'est pas choisi au hasard puisque effectivement on a longtemps cru que tous les cygnes étaient blancs jusqu'à ce que l'on en croise un noir. «Il est loin d’être ́évident, d’un point de vue logique, que nous soyons justifiés d’inférer des énoncés universels à partir d’énoncés singuliers aussi nombreux soient ils ; toute conclusion tirée de cette manière peut toujours se trouver fausse ; peu importe le grand nombre de cygnes blancs que nous avons observés, il ne justifie pas la conclusion que tous les cygnes sont blancs.» Popper -La Logique de la découverte scientifique. Autre exemple : «Tous les hommes sont mortels > Socrate est mortel> donc Socrate est un homme». A implique B. B est vrai. Mais la conclusion n'est pas correcte car il n'y a pas que les hommes qui soient mortels. Comme vous le voyez le raisonnement inductif ne donne pas de certitudes absolues. Il ne fait que fournir des indices qui poussent à une conclusion. On peut donc se tromper en faisant un raisonnement inductif comme dans les fameux exemples de syllogismes faux (paralogismes) : «Tous les chats sont mortels> Socrate est mortel.> donc Socrate est un chat» «Plus il y a de gruyère, plus il y a de trous > Plus il y a de trous, moins il y a de gruyère> Donc plus il y a de gruyère, moins il y a de gruyère» ou «Tous les corps en mouvement finissent par s'arrêter> donc tout mouvement a une fin». Pour Hume l'induction est tout simplement un raisonnement fautif qui tire une conclusion certaine sur l'avenir à partir d'observations du passé. Certes il est très probable que le soleil se lève demain, affirme Hume, mais il n'est pas impossible qu'il ne se lève pas. Jusqu'à présent il s'est levé tous les jours donc nous en tirons la conclusion qu'il se lèvera demain mais c'est un raisonnement basé non pas sur la logique mais seulement sur l'habitude. Rien ne nous dit que le futur ressemblera au passé et il est donc ni logiquement ni physiquement impossible de penser que le soleil ne se lèvera pas demain, même si cette assertion nous paraît peu vraisemblable. «Ce n'est pas la raison le guide de la vie, mais l'habitude seule qui détermine l'esprit, en toutes circonstances, et permet de supposer que le futur sera conforme au passé.» David Hume -Traité de la nature humaine (1740)-. Bertrand Russell dira que le raisonnement inductif est le raisonnement que tient le poulet lorsqu'il associe la main du fermier au grain qui le nourrit, jusqu'au jour où cette même main lui tordra le cou. Pourtant le raisonnement inductif est le plus utilisé dans notre quotidien : en sciences pour valider une théorie à partir d'expériences, dans le domaine de la justice pour décider d’un coupable à partir de preuves, dans des jeux, dans notre travail, etc..Les connaissances empiriques que nous acquérons et dont nous faisons un usage incessant dans le cours ordinaire de la vie ont donc l'induction pour base.

La déduction (-du latin deductio, action d'emmener, de détourner-), consiste dans les sciences, à prévoir à partir d'un état connu de la réalité, ce qui va arriver en s'appuyant sur une théorie. On déduit de cette théorie qu'il se produira tel fait ou tel événement. Karl Popper, né le 28 juillet 1902 à Vienne en Autriche et mort le 17 septembre à Londres, épistémologue du XXème siècle accorde à la déduction une place centrale, car il se réfère à la physique théorique et à la cosmologie dans lesquelles l'autonomie du théorique est forte et l'aspect déductif prépondérant. Au principe de vérification, Popper substitue le principe de falsification : le but du progrès de la science et de l’esprit humain est de montrer que les théories considérées comme vraies sont fausses pour en bâtir de meilleures. C’est un processus continu de résolution de problèmes qui s’initie : un problème va susciter une théorie qui va engendrer des expériences sur un réel observé. Par essais et erreurs, on va éliminer les erreurs jusqu’à ce que l’on parvienne à une théorie satisfaisante. Mais cette théorie n’est qu’un nouveau problème et le cycle est sans fin. Depuis le XVIIIème siècle on pensait qu'une théorie était vraie quand elle était vérifiée. Popper s'inscrit en faux par rapport à cette longue tradition. Il a pensé qu'une grande partie de la connaissance ne se faisait pas par induction mais par déduction. Dans un raisonnement déductif, la conclusion est indiscutable et ne laisse pas de place au doute. Popper s'est ainsi opposé au Cercle de Vienne (groupement de savants et de philosophes de 1923 à 1936) qui soutenait que l'induction permettait de trouver les lois scientifiques. Dans cette perspective, il a repris la critique de Hume : que, dans tous les cas, une loi scientifique est invérifiable de manière universelle (car il faudrait connaître tous les faits jusqu'à la fin des temps). La déduction correspond au processus qui permet d'avancer une affirmation à partir d’hypothèses, de prémisses ou d’un cadre théorique : les conclusions résultent formellement de ces prémisses ou de cette théorie. La déduction est donc une inférence menant d'une affirmation générale à une conclusion particulière. Exemple : «Tous les hommes sont mortels > Socrate est un homme > donc Socrate est mortel». Un raisonnement déductif est toujours vrai si les prémisses sont vraies. Les sophistes grecs ont proposé des raisonnements déductifs de cette sorte : «Toutes les choses rares sont chères> ce qui est bon marché est rare> donc ce qui est bon marché est cher». Se pourrait-il alors que les raisonnements déductifs amènent à des conclusions fausses ? Non, ce n'est pas le cas, car dans cet exemple la première prémisse est fausse : une chose rare n'est pas forcément chère et si nous pensons intuitivement que cette prémisse est vraie, c'est uniquement parce que nous sommes trompés par un sentiment d'habitude (généralement, ce qui est rare est cher mais pas toujours). La conclusion elle-même donne l'exemple d'une chose rare qui n'est pas chère. Pour résumer, la déduction qui repose sur des causes et des effets certains, aboutit à des résultats certains. La conception de théories abstraites est antérieure et autonome par rapport aux faits issus des observations et des expériences. Popper a élargi le problème et a appliqué le raisonnement à la connaissance scientifique ; il l'a, selon ses termes, «reformulé de manière objective» (La quête inachevée, p.115) en l'appliquant à la relation entre la théorie et les énoncés des faits observés dans le cadre des sciences empiriques. Il en a conclu que, contrairement aux idées reçues depuis Bacon, la science ne se caractérise pas par une démarche inductive mais déductive. Il a remplacé cette vision rassurante de la science -cela se vérifie à tous les coups, donc c'est vrai- par une conception infiniment plus inquiétante que l'on peut résumer comme suit : cela n'est pas infirmé donc c'est non-faux ou provisoirement vrai, parce qu'il faut avoir la possibilité de réfuter un énoncé scientifique pour que ce soit vraiment de la science selon Popper. Ainsi des propositions comme «Dieu existe» ou «Dieu n’existe pas» ne sont pas des propositions scientifiques puisqu’elles ne sont pas réfutables : rien ne permet de prouver que Dieu n’existe pas ou de prouver le contraire. Popper définit ainsi les limites de la science et de ce qu’il appelle la métaphysique (un énoncé est pour lui métaphysique s’il est empiriquement irréfutable et invérifiable).
L’abduction (-du latin expulsion, enlèvement, écartement-), est un procédé consistant à introduire une règle à titre d’hypothèse afin de considérer un résultat comme un cas particulier tombant sous cette règle. Autrement dit, il s'agit d'établir une cause la plus vraisemblable à un fait constaté et d'affirmer, à titre d'hypothèse, que le fait en question résulte probablement de cette cause. Par exemple, l’abduction est la plus fréquemment utilisée dans une démarche diagnostique en médecine face à des symptômes. Le raisonnement par abduction (hypothético-déductif) n'aboutit pas à une vérité mais apporte une hypothèse qu'il y a lieu de vérifier. L'abduction est incertaine et n'a pas le pouvoir prédictif de la déduction.
«Pour résumer, la déduction, qui repose sur des causes et des effets certains, aboutit à des énoncés certains ; l'induction, qui propose des causes certaines à des effets probables, aboutit à des énoncés probables et l'abduction, qui recherche des causes probables à des effets certains, aboutit à des énoncés plausibles.» -Nicolas Chevassus-au-Louis, Théories du complot.

La réfutation est un procédé logique consistant à prouver la fausseté ou l'insuffisance d'une proposition ou d'un argument. Elle repose sur l’éventualité qu’il puisse exister au moins une méthode expérimentale ou observationnelle visant à révéler un contre exemple qui invaliderait une hypothèse. L’absence de toute méthode permettant de confronter une hypothèse afin de la contredire ôte à celle-ci son caractère scientifique. Réfuter une théorie consiste à démontrer qu'elle est fausse parce qu'elle contient des erreurs, que certaines de ses affirmations ne correspondent pas aux faits ou parce qu'elle est moins apte qu'une autre à les décrire (incomplétude). Autrement dit réfuter une théorie a pour but de démontrer ses limites par rapport à une autre, sur sa capacité à correspondre aux faits. Il n'est possible d'identifier les limites du contenu empirique d'une théorie, c'est-à-dire tout son contenu descriptif sur des faits, que sur sa possibilité à être réfutée par des tests. Karl Popper a été préoccupé par la différenciation entre la science et les savoirs qui ne peuvent prétendre au qualificatif de scientifiques. Le critère de démarcation entre sciences et pseudo sciences (alchimie, homéopathie, ufologie, etc.) qu'il établit ou critère de scientificité réside donc dans la possibilité de réfuter donc d'invalider une théorie. Une bonne théorie est une théorie qui a résisté à toutes les tentatives de réfutation mais cela ne prouve pas pour autant qu’elle soit vraie car rien n’empêche que dans le futur elle ne soit réfutée. Exemple : la psychanalyse freudienne est irréfutable selon Popper car il est a priori impossible de tester l'une de ses hypothèses et de démontrer qu'elle est fausse. C'est ainsi que l'interprétation des rêves s'élabore à partir d'une conception de l'inconscient absolument inaccessible à toute forme de test. Pour Popper ce type de démarche n'est pas scientifique. A contrario, Popper tenait Albert Einstein et sa théorie de la relativité comme l'incarnation même du génie scientifique. Car Einstein avait appelé tous ses pairs à tenter d'infirmer ses propos et considérait que ses conclusions pourraient être tenues pour vraies si (et si seulement) personne ne réussissait à les démentir :«...je considérerai ma théorie de la relativité pour vraie tant que rien ne montrera qu’elle est fausse», ce qui nous montre bien que nous en restons au statut de l’hypothèse, que nous sommes dans le «tenir pour vrai» et non dans le «vrai» absolument certain. Le physicien était donc capable de vivre sans le secours de vérité définitive. C'est cela le critère de réfutabilité de Popper, autrement dit la possibilité de réfuter ou non un énoncé scientifique pour tester sa validité. Popper écrit dans La logique de la découverte scientifique : «Les théories ne sont jamais vérifiables empiriquement (…) c'est la falsifiabilité (la réfutabilité) et non la vérification d'un système qu'il faut prendre comme critère de démarcation entre une science authentique et ce qui n'a que les apparences de la science. Nous pouvons par conséquent affirmer que les théories ne peuvent jamais être inférées -inférer : tirer une conclusion des énoncés d'observation-, ni recevoir de ceux-ci une justification rationnelle» (Conjectures et réfutations, p. 73).

En effet la crédibilité à accorder au savoir issu d'une démarche scientifique et à celui issu d'une démarche spéculative n'est évidemment pas la même. Sa reformulation de la science comme procédé déductif donne un fondement logique à son critère de réfutation par l'expérience : «Lorsque j’ai proposé le critère de réfutabilité (...), j’entendais tracer une frontière aussi bien que faire se pouvait entre les énoncés ou systèmes d’énoncés des sciences empiriques et tous les autres énoncés, que ceux-ci fussent de nature religieuse, métaphysique ou tout simplement pseudo-scientifique. Ultérieurement, j'ai appelé ce premier problème le «problème de la démarcation». Le critère de réfutabilité apporte en effet une solution à ce problème puisqu'il spécifie que des énoncés ou des systèmes d'énoncés doivent pouvoir entrer en contradiction avec des observations possibles ou concevables» Conjectures et réfutations (p. 68). Il faut comprendre la science comme un savoir réfutable : «Pour les théories, l'irréfutabilité n'est pas (comme on l'imagine souvent) vertu mais défaut.» Conjonctures et réfutations (p. 64). Sur la base de ces principes, il conclut à l'insuffisance de la vérification en matière de science. L'observation d'un certain nombre de faits corroborant une théorie ne la confirme pas avec certitude et universellement. C'est la porte ouverte à la complaisance car on trouve toujours un certain nombre de faits pour corroborer une théorie même si elle est fantaisiste. La vérification n'est pas suffisante pour affirmer sa validité. Selon le critère de réfutabilité, l'observation d'un seul fait expérimental ne corroborant pas une théorie l'infirme. Cela sous-entend 1/ le caractère inductif de la science et 2/ une complétude et une universalité de la théorie en cause. Si on admet ces deux aspects et si un seul fait contrevient à la théorie, elle est nécessairement fausse. Une connaissance qui donne cette possibilité de réfutation peut être considérée comme scientifique car elle donne la possibilité d'un contrôle de sa validité très puissant. Cela sous-entend que la théorie soit rigoureuse et permette des prévisions précises. Si elle est floue et fait des prévisions vagues ou interprétables, elle n'est pas réfutable et ne peut pas être considérée comme scientifique. La conception de Popper est de bon sens car une connaissance qui prétendrait à la vérité sans pouvoir être testée par la communauté scientifique est à priori suspecte et ne peut faire partie du corpus scientifique acceptable. Tant qu'une théorie réfutable n'est pas réfutée, elle est dite corroborée. Pour Popper, la corroboration remplace la vérification. Le but est de s'approcher de connaissances aussi vraies que possible. Cette approche du vrai ou vérisimilitude remplace la vérité absolue. Il s'agit «d'une approximation de la vérité» (La quête inachevée, p.110), d'une proposition la plus vraisemblable possible au vu de l'état actuel de la connaissance. De fait l'histoire des sciences montre que, au fil du temps, de meilleures théories apparaissent et qu'elles englobent ou détrônent les précédentes. La science progresse en remplaçant les connaissances existantes par des connaissances un peu plus vraies, un peu plus complètes et un peu plus universelles. Elle apporte des savoirs qui, à un moment donné, ont une certaine valeur de vérité, une vraisemblance mais une théorie scientifique corroborée n'est jamais définitive puisqu'une réfutation peut un jour arriver. Si le savoir scientifique n'est qu'hypothèses et conjectures, c'est-à-dire qu'il n'apporte aucune information vraisemblable sur le monde, il n'est pas différenciable d'une opinion farfelue ou d'un dogme religieux. Dans ce cas, tout se vaudrait et il serait inutile de faire valoir des critères de démarcation. Or précisément Popper montre qu'il y a une différence et que la science se donne les moyens d'une confrontation au monde qui donne une validité à ses résultats. Il affirme aussi que les théories ont pour but de proposer «d'authentiques suppositions quant à la structure du monde, notre objectif en tant que savant est de découvrir la vérité» (Conjectures et réfutations (p.362). Il met en avant la notion de vérisimilitude pour expliciter le jeu entre le caractère hypothétique du savoir acquis scientifiquement et la recherche du vrai. Au fur et à mesure que des théories sont réfutées, la vraisemblance de celles qui ont résisté se renforce : leur degré de vérisimilitude augmente. Si une théorie scientifique ne peut jamais être absolument vraie, son adéquation avec la réalité est de plus en plus forte. Popper ne souscrit pas au scepticisme relativiste, il croit possible de se rapprocher de la vérité sous forme de l'objectivité. Le gros intérêt de ses travaux est d'avoir attiré l'attention sur la fragilité de la vérification empirique pour valider une théorie. Sur le plan logique, une vérification ne prouve pas la vérité en général. En pratique, on peut choisir ce qui vient corroborer la théorie et laisser de côté ce qui y contrevient. La vérification peut donc comporter une part de leurre. L'idée de mettre en avant le démenti est, à ce titre, intéressante. «Une théorie qui n'est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique». Karl Popper. C’est parce qu’Isaac Newton a formulé sa théorie de la gravitation qu’Einstein a pu la réfuter pour proposer sa théorie de la relativité. Le critère de réfutation est évidemment beaucoup plus fiable. Le concept de réfutabilité (falsifiabilité) précède celui de la réfutation possible : avant de tenter de réfuter une théorie, on détermine si elle peut être mise à l’épreuve en vue d’une telle tentative. De cette manière, une théorie qui en réfute une autre devient son cas limite et comme l'écrit Popper la théorie d'Einstein est devenue un cas limite de la théorie de Newton. La réfutation représente une solution à la fois du problème de démarcation et de celui de l'évaluation de la correspondance avec les faits de certaines théories. Une proposition réfutable selon trois conditions bien spécifiques, logique, empirique et méthodologique, est réputée être acceptable comme une hypothèse scientifique. Si elle est réfutée, elle cesse d'être considérée comme l'état de la connaissance le plus abouti dans un domaine de recherche particulier.

  • 1. La réfutabilité logique :

     

    la première condition pour accéder à la réfutabilité scientifique, telle que l'envisage Karl Popper, est donc la réfutabilité logique : il faut, pour commencer, qu'une théorie soit réfutable en ce sens-là, c'est-à-dire qu'elle possède une classe de falsificateurs potentiels. Autrement dit qu'il soit possible d'inférer (déduire) à partir de sa formulation initiale un ou plusieurs énoncés énoncés de base qui puissent éventuellement la contredire, en montrer la fausseté totale ou partielle ou l'incomplétude de ses pouvoirs de description mais de façon inédite.

  • 2. La réfutabilité empirique :

    ensuite, il faut que la mise à l'épreuve d'un énoncé de base, déduit de la théorie que l'on souhaite tester par son intermédiaire, soit empiriquement possible : l'on doit pouvoir créer des conditions initiales de testabilité pour contrôler la confirmation ou l'infirmation de l'énoncé de base. En cas d'infirmation, la théorie est corroborée (la mise à l'épreuve à échoué à réfuter la théorie) et en cas de confirmation elle est réfutée.

  • 3. La réfutabilité méthodologique :

    il faut enfin que le test soit reproductible par d'autres chercheurs, afin de démontrer l'aspect non accidentel et le plus détaché possible de toute subjectivité liée aux expérimentateurs, comme par exemple certaines erreurs dans la manipulation des conditions initiales ou même des tricheries. En revanche, une proposition irréfutable au sens logique est catégorisée comme métaphysique (ce qui ne signifie pas qu'elle soit illégitime; ainsi en est-il des univers parallèles (2016).

    Par exemple, l'affirmation par induction «tous les corbeaux sont noirs» pourrait être réfutée en observant un corbeau blanc. Par déduction «tous les humains sont mortels» est non réfutable et donc non scientifique, parce qu'il faudrait attendre un temps infini pour conclure négativement (constater l'existence d'un humain immortel) et que l'observateur même s'il observait la mort de tous ses semblables, ne pourrait conclure positivement qu'après sa propre mort. Le fait qu'aucun humain n'a vécu plus de 130 ans prouve seulement que tous les humains actuellement morts étaient mortels.

     

Ces trois niveaux de réfutabilité sont chronologiquement nécessaires mais toujours insuffisants : la mise à l'épreuve scientifique d'une théorie ne peut, selon Karl Popper, jamais garantir qu'une corroboration ou une réfutation qui y aboutit puisse être concluante, c'est-à-dire définitive. Une théorie scientifique déductive permet de prédire de manière certaine tel fait dans telles circonstances. Le contrôle de la théorie consiste à mettre en place une expérience qui teste l'hypothèse. Si le fait escompté est observé, il corrobore la théorie sans la certifier. Si le fait est absent, il invalide la théorie. Si l’expérimentation prend en défaut la théorie ou si les observations attendues ne se réalisent pas, on peut en toute rigueur conclure que la théorie est fausse. La logique du raisonnement est la suivante : la théorie déductive implique toujours et nécessairement un fait, si le fait est absent, alors la théorie est fausse. Mais la réciproque n'est pas vraie : la présence du fait ne valide pas à coup sûr la théorie, car le fait n'implique pas inductivement la théorie. Il suffirait ainsi de trouver un seul individu de Dodo (Dronte de l’ile Maurice) encore en vie pour réfuter l'hypothèse de leur disparition.

Les théories scientifiques sont donc des conjectures (des hypothèses sur le monde) que la démarche expérimentale peut éventuellement réfuter et éliminer celles insuffisantes. «La science ne souscrit à une loi ou une théorie qu'à l'essai, ce qui signifie que toutes les lois et les théories sont des conjectures ou des hypothèses provisoires» Karl Popper. Une théorie valide est une théorie réfutable qui a résisté aux tentatives de réfutation. Elle est vraisemblable tant qu'un certain nombre d'expériences ne seront pas venues l'invalider. C'est un argument très solide de scientificité. Le contrôle expérimental de la théorie consiste à mettre en place une expérience qui permettrait de faire ces observations afin de tester l'hypothèse. Cependant, en toute rigueur, même si les observations concordent avec les prédictions, on ne peut pas conclure que la théorie est vraie. Exemple : S’il pleut, le sol est mouillé > et le sol est mouillé > donc il pleut est invalide (le sol peut avoir été mouillé par autre chose que de la pluie). Par contre, si l’expérimentation prend en défaut la théorie, c’est-à-dire si les observations attendues ne se réalisent pas, on peut en toute rigueur conclure que la théorie est vraie. Exemple : S’il pleut, le sol est mouillé > et le sol n'est pas mouillé > donc il ne pleut pas est valide. Par conséquent la démarche expérimentale ne permet jamais de valider une théorie. Par contre elle permet de l’éliminer si elle est fausse, c’est-à-dire si ses prédictions ne se réalisent pas. Popper a attiré l'attention sur la nécessité d'être vigilant sur la façon dont la connaissance scientifique est possible. Il a mis en avant la cohérence rationnelle et de manière originale un critère empirique : la réfutabilité de la théorie. La différenciation entre la science et les savoirs qui ne peuvent y prétendre est importante, car la crédibilité à accorder à l'une ou aux autres n'est évidemment pas la même. Une théorie sera déclarée non scientifique si aucune observation concevable ne peut la mettre en question. Par exemple la théorie de l'évolution est considérée par Popper comme non-scientifique car irréfutable (impossible de trouver un fait qui la contredise). C'est un dogme, au même titre que la création biblique, qui s’est développé, maintenu et imposé en dépit des faits scientifiques. Popper affirme que Darwin ne peut pas expliquer l’origine de la vie mais que sa théorie offre tout de même un bon cadre explicatif pour comprendre l'évolution. Elle a pour fonction de réunir en un ensemble cohérent, les faits et propositions actuels sur l'histoire de la vie. Elle doit y intégrer sans cesse les connaissances nouvelles sur le sujet. Comme toute théorie, elle est donc provisoire, incomplète et susceptible de changer par la réfutation de certains de ses éléments et leur remplacement. On ne peut donc pas dire que la théorie de l'évolution est vraie ni qu'elle est fausse. Elle comporte des éléments prouvés et vérifiés par l'expérience qui ont peu de chance d'être remis en cause mais d'autres propositions doivent encore être vérifiées. Certaines sont sans doute fausses mais beaucoup d'autres seront conservées après vérification. Enfin les nombreuses questions que l'on se pose, en particulier sur les mécanismes de l'évolution, n'ont pas de réponse dans l'état actuel de la science. Ajoutons qu’il n’existe aucune théorie scientifique alternative, rationnelle et crédible, qui puisse rivaliser avec la puissance explicative de la théorie de l'évolution. «Les théories ne sont donc jamais vérifiables empiriquement (…) Toutefois j’admettrai certainement qu’un système n’est empirique ou scientifique que s’il est susceptible d’être soumis à des tests expérimentaux. Ces considérations suggèrent que c’est la falsifiabilité et non la vérifiabilité d’un système qu’il faut prendre comme critère de démarcation. En d’autres termes, je n’exigerai pas d’un système scientifique qu’il puisse être choisi une fois pour toutes, dans une acception positive mais j’exigerai que sa forme logique soit telle qu’il puisse être distingué, au moyen de tests empiriques, dans une acception négative : un système faisant partie de la science empirique doit pouvoir être réfuté par l’expérience». La logique de la découverte scientifique (1935). La théorie du réchauffement climatique contestée par les climato-sceptiques est réfutable donc scientifique : il ne peut y avoir de preuve définitive de cette théorie. Les chercheurs cumulent les résultats d’expériences, les mesures, les simulations et vérifient s’ils sont en accord avec la théorie. Ou celle-ci est confirmée, renforcée par des preuves et des corrections ou elle est invalidée et on doit en bâtir une nouvelle. Il n’y a pas de raison pour que ce mode de fonctionnement de la science par vérification et surveillance continues, appliqué depuis des décennies à des constructions comme la relativité d’Einstein ou l’évolution darwinienne, ne soit pas utilisé pour le réchauffement climatique.

En résumé pour Popper une hypothèse est scientifique seulement si elle peut être réfutable. C’est cela l’essentiel, il propose logiquement que plus une théorie est précise, plus elle est réfutable et donc plus elle est scientifique et sérieuse. Elle possède un sens à partir du moment où une expérimentation est possible afin d’avoir la possibilité de la réfuter dans le cas où les faits montrent qu’elle est fausse. Si des expériences ou des observations ne permettent pas la possibilité d’invalider a priori une hypothèse, cela lui ôte son caractère scientifique. En général on n’adhère pas à une théorie scientifique, on cherche à la démolir. C’est-à-dire que la méthode scientifique ne consiste pas à faire confiance à une théorie apparemment crédible mais plutôt à y trouver des failles, puisqu’une théorie scientifique est une représentation approximative de la réalité. En bref, une théorie peut être crédible, cohérente par rapport aux faits mais cela ne veut pas dire qu'elle soit vraie. On ne peut pas le prouver mais on peut montrer qu’elle est fausse avec un seul contre exemple expérimental ou observationnel. Le réfutationnisme poppérien ne pose pas un doute qui dispense de réfléchir et de vérifier mais seulement la nécessité d’une possibilité de réfutation dans le cas où l’hypothèse à tester peut être réfutée. Il montre que la science consiste à éliminer ce qui est superficiel plutôt qu’accumuler des savoirs à priori vrais. On sait qu’une théorie est potentiellement réfutable lorsque l’on parvient à concevoir un protocole expérimental ou observationnel qui puisse conduire à une possible réfutation. Alors qu’une théorie une fois réfutée vient confirmer son caractère réfutable (que l’on connaissait cependant déjà par la nature expérimentale du protocole) la théorie, bien que scientifique, devient obsolète. Réfutable et réfuté, bien qu’ayant la même racine, n’ont pas le même sens, ces mots exprimant respectivement la potentialité de réfutation et la réfutation réalisée. Le concept de réfutabilité précède celui de la réfutation effective : avant de réfuter une théorie, on détermine si elle peut a priori être réfutée. Ainsi, par exemple, à propos du concept du Big Bang, avant d’affirmer péremptoirement que c’est crédible, on doit d’abord se demander si c’est une hypothèse réfutable : il faudrait pouvoir concevoir une expérience qui puisse prouver a priori que l’hypothèse est fausse et qu'il existe des faits qui la contredisent.et ce n'est pas le cas. En ce qui concerne la théorie de la relativité, on sait comment concevoir des expériences pour la vérifier et la réfuter au cas où elle serait fausse. L’expérience Opéra est une expérience internationale de physique des particules destinée à observer et étudier le phénomène d'oscillations des neutrinos à haute intensité et à haute énergie produit par le Super Proton Synchrotron du CERN à Genève et dirigé vers un détecteur souterrain installé au laboratoire national du San Grasso en Italie à environ 730 km de distance. Commencée en 2006 elle pouvait conduire soit à une corroboration de la théorie, soit à son invalidation. Mais c'est officiel, les quatre détecteurs enfouis sous le Gran Sasso ont rendu leur verdict : les neutrinos ne violent pas la théorie de la relativité en allant plus vite que la lumière.

La vérité scientifique :

Une théorie scientifique ne peut jamais être absolue mais toujours relative à des tests eux-mêmes relatifs, à cause de l'insoluble problème concernant l'accès à une définition précise de toute mesure empirique et de l'inévitable mise en jeu de la subjectivité dans tout travail de recherche, fut-il scientifique. Un grand nombre de scientifiques pratiquent ou ont pratiqué une religion ou une forme de spiritualité ne reposant sur aucune preuve scientifique : Galilée croyait strictement en la crédibilité objective de l’Écriture Sainte, Newton en l'existence d'un dieu horloger ayant créé une mécanique idéale, Darwin inspiré par des préoccupations d’ordre religieux et Einstein refusait certaines conclusions de la mécanique quantique parce qu'elles heurtaient ses convictions : «Dieu ne joue pas aux dés». Aujourd'hui des scientifiques réputés comme le physicien Fritjof Capra, Xuan Thuan Trinh, David Bohm, Karl Pribram, Hubert Reeves s’engouffrent dans la voie spiritualiste. Sur ce point Karl Popper affirme que : «La science est faillible, parce qu'elle est humaine». Il soutient que son critère de démarcation entre sciences et pseudo-sciences doit se comprendre comme un critère de démarcation méthodologique. Il a été préoccupé par la différenciation entre la science et les savoirs prétendent au qualificatif de scientifique. C'est un problème important et toujours d'actualité. En effet la crédibilité à accorder au savoir issu d'une démarche scientifique et à celui issu d'une démarche spéculative ou d'une croyance n'est évidemment pas la même. Cependant aucun test scientifique ne peut être suffisant pour décider avec certitude qu'une réfutation ou une corroboration est concluante dans le sens où elle apporte une vérité absolue et définitive. Il ne peut jamais y avoir d'accès à la certitude dans aucun résultat véritablement scientifique ni plus généralement dans aucune connaissance relative à la nature, nature humaine comprise. En somme, une science qui se dit vraie n'en est pas une. Seule une science fausse peut demeurer en tant que telle et faire évoluer les classifications des phénomènes qu'elle a déjà corroborées par des tests, parce que sa fausseté est toujours démontrable. C'est la condition sine qua non qui ouvre la voie de l'heuristique, autrement dit la possibilité de découvrir de nouveaux problèmes scientifiques. L'on rétorquera que les mathématiques, pour l'ensemble des savoirs que cette discipline propose, sont vraies et même certaines. Mais les mathématiques ne sont pas une science car leurs fondements axiomatiques sont proprement irréfutables. Les objets mathématiques n'étant pas des objets physiques, le critère de réfutabilité de Popper ne s'applique pas : on ne peut pas réfuter une propriété mathématique par une expérience (les axiomes mathématiques peuvent décrire des objets sans rapport avec le monde réel). Il ne reste plus, alors, qu'à convoquer le jugement d'Albert Einstein qui écrira : «Si la mathématique est certaine, elle ne s'applique pas à la réalité et si elle n'est pas certaine, alors, elle s'applique à la réalité».

La connaissance scientifique progresse grâce à l'erreur. Des conjectures sont d'abord faites : on essaie des solutions. Puis ces conjectures sont soumises à la critique : on les teste. Dès qu'une théorie est réfutée, un progrès a été accompli qui nous rapproche de la vérité. Mais pourrons-nous jamais l'atteindre ? Le but n'est pas de démontrer qu'une théorie est vraie mais de déceler qu'elle est fausse, ce qui permet de construire une théorie dont le contenu de vérité est plus élevé. La vérité scientifique peut donc toujours être remise en question et Einstein a démontré cette absence d'imprescriptibilité en infirmant la théorie galiléenne. La pratique scientifique est fondée sur le doute. Nulle vérité scientifique n'est définitive et les théories sur le monde établies par les chercheurs changent au fil du temps, au gré des révolutions scientifiques et des changements de paradigmes-(«d'une époque à l'autre, la science change profondément». Thomas Kuhn, philosophe des sciences). Ce que l'on appelle vérité scientifique à un instant donné représente un consensus temporaire au sein de la communauté scientifique dans l'attente de plus d'observations du monde. Selon Karl Popper, il n'y a pas de certitude positive en science expérimentale. Une expérimentation peut prouver la fausseté d'une théorie jamais sa vérité. La théorie vise la vérité mais on ne peut pas affirmer qu’elle décrive la réalité : cela supposerait de pouvoir comparer la réalité en soi à ce que la théorie en dit, ce qui est impossible. Une théorie peut néanmoins être objective, en ce sens qu’elle est compatible avec les phénomènes. Elle est donc en quelque sorte une vérité provisoire qui attend le prochain changement. En matière scientifique comme dans la vie ordinaire, nous appelons vrai ce qui correspond à la réalité. Bref, vous l’aurez compris, une théorie scientifique n’est pas qu'une hypothèse. On n’a pas le choix d’y croire ou pas, elle s’appuie sur des faits. Il suffira qu'un phénomène aille à son encontre pour l’invalider demain ou après, la science restera toujours prête à être contredite. En appliquant une démarche scientifique, les chercheurs doivent adopter une ouverture d’esprit maximale, proposer les outils pour se faire contester et laisser un temps infini à leurs détracteurs pour le faire. En l’absence de toute contre-preuve, ils continuent par humilité à appeler théorie ce que nous considérons comme avéré. Popper se fait ainsi disciple de Socrate et retrouve la posture de l’ignorance savante : «je sais que je ne sais rien» ou plus encore celle de la mesure de l’étendue de ce que l’on ne sait pas : «plus on sait, plus les limites du savoir reculent». Il ne cherche pas à établir la vérité mais une méthode pour infirmer les théories. Plutôt que de vouloir prouver des assertions, il préfère chercher l’erreur. Intéressant renversement de perspective : selon lui, c’est par l’erreur que l’on augmente progressivement la connaissance. Il s’oppose donc au positivisme et au scientisme en introduisant le doute et l’incertitude au cœur même de la science. La certitude étant inaccessible en science empirique, la vérité devient un horizon inatteignable ou plutôt un processus d’augmentation de la connaissance assuré par la méthode scientifique de rectification continue d’erreurs. La science progressant par essais et erreurs, les théories, devenues hypothèses précaires soumises au critère de réfutation, se succèdent et c’est le processus lui-même qui assure une croissance de la connaissance. En clair, la science apporte seulement une approximation de la réalité et elle tend, par des observations ultérieures, à se préciser. Si en appliquant une théorie, on peut prédire un événement, deux cas peuvent se présenter : 1-l'événement ne se produit pas, la théorie était fausse, 2-l'événement se produit, la théorie est confirmée mais rien ne permet de conclure qu'elle est vraie. Aucune théorie ne peut être vérifiée, on peut améliorer sa vraisemblance mais il est impossible de démontrer sa véracité. Ceci nous invite à penser que les théories scientifiques ne nous informent pas de la réalité : elles semblent plutôt nous parler de la créativité de l’esprit humain. Ce qui signifie que l’homme ne peut jamais connaître qu’un réel informé par sa propre vision du monde. Le réel en soi reste donc inaccessible. D’ailleurs on peut dire à ce propos qu’il y a longtemps qu’on sait, contre l’inductivisme naïf, que les théories scientifiques ne sont pas issues des faits ou de l’expérience mais qu’elles les précèdent : de sorte que nous pouvons avoir l’impression que, par elles, nous imposons nos vues à la réalité plutôt que nous la décrivons. Une théorie scientifique est tout autant subjective que l’Histoire, si par subjectivité on entend une reconstruction par l’homme de ce qui est décrit.

Critique de la réfutabilité de Karl Popper :

Les critères de réfutabilité et d'invalidation empiriques doivent être relativisés car toutes les sciences ne sont pas bâties sur un modèle inductif. Un certain nombre utilisent induction et déduction. Certaines ne peuvent aboutir à une prédiction précise et exacte ou proposer des expériences reproductibles. Le critère poppérien est fondé sur une vision de la science qui ne correspond pas à la construction de toutes les sciences. En biologie et dans les sciences humaines et sociales, par exemple, les critères de Popper sont difficiles à appliquer parce que l'objet même de ces sciences ne se prête pas à des investigations scientifiques : l'expérimentation est la plupart du temps impossible notamment dans les sciences sociales mais c'est le cas aussi en astronomie, paradigme de la science). De plus juger de la fausseté d'une théorie à la suite d'une expérience non concluante est hâtif et pas toujours approprié. C'est un motif d'alerte sérieux mais pas d'invalidation. C'est plutôt un ensemble concordant d'expériences non concluantes qui remet en cause une théorie. Enfin Popper enferme les sciences de la nature dans une pensée formaliste qui nie le rôle de l’Histoire qui est une succession d'événements. Or l’événement est, par définition, ni prévisible ni reproductible. La physique quantique par exemple, qui considère toute mesure comme un tel événement, est donc soustraite à la falsifiabilité contrairement à ce que croyait Popper. Toute particule est le siège d'événements autant que tout être vivant ou toute société. «Or l’événement n’est pas capable d’entrer dans les critères de Popper ! Il faut donc renoncer à la nature et à la société ou à Popper» -Robert Paris

Conclusion :

On peut penser que les théories scientifiques sont seulement des inventions à mettre sur le même plan que la science fiction, les mythes ou les croyances populaires. En un mot, y a-t-il lieu de conclure, pour s’en désespérer ou s’en réjouir selon les cas, au scepticisme et au relativisme ? Bien sûr il ne faut pas prendre les théories scientifiques trop au sérieux (car aucune loi scientifique n’est absolue, ni éternelle) mais ne pas tomber pour autant dans la mise en doute de tout (la majorité des scientifiques aujourd'hui savent ce qu’ils font, suivent des protocoles très stricts et s’avancent moins avant d’être certains de ce qu’ils racontent). Enfin pour répondre à la question, il ne s’agit pas de trouver vraies les théories mais d'y voir de bonnes approximations de la vérité car toute théorie est continuellement remise en question en fonction de nouveaux acquis, de nouvelles techniques d’observation. Une théorie scientifique ne peut donc pas être qualifiée de vraie au sens où elle serait une copie fidèle de la réalité, elle n'est seulement pas encore fausse. Il serait donc plus pertinent de s'interroger sur son utilité plutôt que de se demander si elle est vraie.

Vous avez certainement constaté en m'écoutant beaucoup de redites. Elles sont volontaires et celles involontaires au départ ont été laissées pour aider à la compréhension.

Je vous remercie,

Jean-François BOYER Mai 2019


 

Bibliographie :

Alain Boyer, Introduction à la lecture de Karl Popper, Ed. rue d'Ulm 1994

Karl Popper, La logique de la découverte scientifique 1935, trad. fr. 1973, rééd. Payot, coll. « Bibliothèque scientifique » 1995 Conjectures et réfutations 1953, Payot 2006, La quête inachevée, Calmann Lévy 1974, Poche 1989

Albert Einstein, La Relativité, Poche 1990

Kuhn, T.S., La Structure des révolutions scientifiques, 2ème éd., Paris, Flammarion, 1983


 

 


 

 


 

 

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