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13 décembre 2014 6 13 /12 /décembre /2014 12:31

La rumeur ouvre ses ailes
Elle s´envole à travers nous.
C´est une fausse nouvelle
Mais si belle, après tout.

Elle se propage à voix basse
À la messe et à midi
Entre l´église et les glaces
Entre confesse et confit

La rumeur a des antennes
Elle se nourrit de cancans
Elle est bavarde et hautaine
Et grandit avec le temps

C´est un arbre sans racines
À la sève de venin
Avec des feuilles d´épines
Et des pommes à pépins

Ça occupe, ça converse
Ça nourrit la controverse
Ça pimente les passions
Le sel des conversations...

La rumeur est un microbe
Qui se transmet par la voix
Se déguise sous la robe
De la vertu d´autrefois

La parole était d´argent
Mais la rumeur est de plomb
Elle s´écoule, elle s´étend
Elle s´étale, elle se répand

C´est du miel, c´est du fiel
On la croit tombée du ciel
Jamais nul ne saura
Qui la lance et qui la croit...

C´est bien plus fort qu´un mensonge
Ça grossit comme une éponge
Plus c´est faux, plus c´est vrai
Plus c´est gros et plus ça plaît

Calomnie, plus on nie
Plus elle enfle se réjouit
Démentir, protester,
C´est encore la propager
Elle peut tuer sans raison
Sans coupable et sans prison
Sans procès ni procession
Sans fusil ni munitions...

C´est une arme redoutable
Implacable, impalpable
Adversaire invulnérable
C´est du vent, c´est du sable

Elle rôde autour de la table
Nous amuse ou nous accable
C´est selon qu´il s´agit
De quiconque ou d´un ami

Un jour elle a disparu
Tout d´un coup, dans les rues
Comme elle était apparue
À tous ceux qui l´avaient crue...

La rumeur qui s´est tue
Ne reviendra jamais plus
Dans un cœur, la rancœur
Ne s´en ira pas non plus.

Yves Duteil

Pourquoi ai je choisi un tel sujet plus sociologique que philosophique? Parce que nous sommes confrontés en permanence à ce phénomène social. En parler, c’est parler de soi et des autres. Nous sommes tous au cœur de la rumeur, nous avons besoin d’y croire, elle hante notre imaginaire même si elle se heurte au bon sens, nous l’écoutons, la colportons souvent et en sommes parfois victimes. Nous révélons alors nos désirs, nos angoisses, nos fantasmes et nos peurs.

Le mot rumeur vient de «rumor» qui signifie en latin le bruit qui court, le bruit confus de voix qui émane d’une foule. Les Romains avaient une déesse consacrée aux rumeurs et à la renommée deux notions proches, les rumeurs étant à l’origine de la renommée : «Fama», jeune femme ailée ayant deux trompettes, une courte consacrée aux rumeurs, une longue à la renommée. Virgile la décrit ainsi dans l’Eneide : «Rapide car dotée de pieds et d’ailes agiles, c’est un monstre horrible, gigantesque. Nombreuses sont les plumes qui couvrent son corps, et chose étonnante, sous ces plumes il y a autant d’yeux vigilants, autant de langues, de bouches qui s’expriment, d’oreilles qui se dressent… Elle se plait à répandre partout les propos les plus divers et diffuse à la fois des faits réels et d’autres qui ne le sont pas». Au XIIIe siècle le mot a une connotation de tapage, querelle, révolte. On en trouve les premières traces écrites dans un document du parlement de Paris datant de 1274. Il désigne le «haro», cri que devait pousser tout citoyen s’il assistait à un crime, pour attirer l’attention de la maréchaussée. Au XVIe siècle le sens latin revient : ce sont les informations qui se répandent dans l'opinion. Vers le XVIIIe apparait celle plus moderne avec le démenti ou l'authentification de la rumeur. Le mot continue à évoluer jusqu’à la deuxième guerre mondiale où il acquiert sa signification actuelle : le lien se fait entre rumeurs, politique et propagande. Les rumeurs deviennent de fausses informations diffusées sur les ondes ennemies et utilisées comme contre-propagande. Le XXe siècle fera donc le lit d’une rumeur qui va devenir fonctionnelle et fera partie des sciences sociales.

Problématique de sa définition :

Le concept a beaucoup de mal à être défini. Dès que l’on tente d’objectiver la rumeur, elle nous échappe. Ce problème de définition ‑ relativement répandu dans les sciences sociales vu l’absence de contours nets des outils conceptuels - prend des proportions importantes dans le cas des rumeurs. A tel point qu’on peut examiner le concept et déterminer les conditions nécessaires et suffisantes pour qu’il soit une rumeur (contenu du message, mode de transmission, média qui le colporte, taille du groupe qui le partage, effets qu’il produit...), il semble constamment nous échapper. Il est donc difficile d’analyser le phénomène, au premier abord irrationnel, au contenu évanescent et dont ceux qui l'entendent refusent de reconnaître participer à sa propagation. De plus le bornage scientifique des rumeurs ne peut ignorer qu’elles peuvent passer du statut de rumeurs à d’autres phénomènes aux traits voisins : commérages, ragots, échos, bobards ou légendes urbaines. La rumeur n’a de réalité tangible qu’à partir du moment où un nombre suffisant d’individus s’y intéresse et la colporte. D'abord elle se murmure, traverse les couches de la société, puis gonfle et se répand. C’est un phénomène de contagion sociale qui fonctionne comme une épidémie (agent virulent, incubation, diffusion et extinction). C’est parce qu’elle est lancée dans un certain contexte et que son sujet intéresse les gens qui la véhiculent qu’elle peut se répandre.

«Messagère de l’erreur comme de la vérité» : définition que lui donne Virgile dans l’Enéide, la rumeur n’est pas seulement le «on dit» mais l’écho d’une nouvelle imprécise qui se répand de façon soudaine dans l’opinion et dont le contenu au statut de vérité contestable se fortifie, se concrétise en se diffusant et finalement s’impose. C’est un phénomène épistémique plutôt que social ou politique car il y a une relation entre le mode de transmission et la fiabilité des rumeurs comme source de connaissances. La rumeur se révèle un discours répétitif, repris et transmis, maillon dans la chaîne discursive. On y retrouve le mélange fragmentaire du sujet et de l’objet, de la perspective et de la focalisation, dans un dispositif qui touche à la fois l’énonciation et la référenciation. Elle est difficile à identifier mais dans tous les cas elle sous-tend une information celée, un événement à venir, un complot ourdi, des malversations, des compromissions ou des comportements licencieux. Le sujet intrigue, fascine même, a un rapport avec l’actualité si bien que chacun est susceptible d’en dire quelque chose. Si elle a autant de succès, c’est qu’elle fait appel à nos fantasmes et à nos émotions de base : le rire, la peur, la colère, le dégoût, etc. A partir du moment où un de ces sentiments est enclenché, seul le cerveau affectif est impliqué et la capacité de réflexion n’intervient plus. Nous faisons alors confiance aveuglément à la rumeur car l’inconscient collectif est persuadé que nous ne pouvons pas tous nous tromper. Elle est rarement innocente et reste, malgré les techniques de diffusion des informations aujourd’hui les plus sophistiquées, le mode de communication sociale émotionnellement le plus puissant. Elle se diffuse de la «bouche bavarde à l'oreille curieuse.» Victor Hugo clamait : «la rumeur approche, l’écho la redit.» Mais avec son intervention dans les échanges d’informations, le bouche à oreille, mécanisme fondamental et primitif, qui autrefois était seul à la base du phénomène ne peut plus aujourd’hui être considéré comme tel. La reprise et la diffusion de messages de tous types par les médias interdit de se limiter à ce seul mode de transmission.

La logique de la rumeur n’est pas celle de la raison. Pour exister il lui suffit de circuler : elle se nourrit d’elle-même et accroît son impact en cours de diffusion. Comme l’écrivait Montaigne dans Les Essais : «Il ne faut à la rumeur, ni matière, ni base : laissez la courir, elle bâtit aussi bien sur le vide que sur le plein…» Elle se développe surtout lorsqu’il n’y a pas d’information objective. Chaque strate sociale porte en elle un certain nombre de croyances. Peu importe leur contenu, l'important est d'y faire appel. Nous véhiculons un certain nombre de préjugés sur à peu près tous les sujets. Chacun en fonction de ses croyances, de son vécu, a une sensibilité sélective au contenu des rumeurs et nul n'est moins sourd que celui qui veut entendre. Du point de vue sociologique, la rumeur est la diffusion d'une information illégitime au regard des discours conventionnels et des canaux de contrôle de l'information : les autorités et les médias. C’est une prise de parole non-autorisée, un défi à l’autorité et un acte de sédition. De par sa gratuité, elle est accessible à tout le monde et elle ne peut être énoncée publiquement sans des préventions d'usage. Les acteurs sociaux qui veulent la propager ont recours au registre de la connivence et du secret. Ils empruntent donc les formes d'énonciation propres aux informations clandestines : «Puisqu'on est entre nous...», la référence à l'indéfini : «On raconte que...», à l'impersonnel : «Il se dit...», au contenu incertain : «Peut être que...». Sont utilisés le conditionnel : «Il se pourrait que...», les formulations vagues des faits, les commentaires en général malveillants voire calomnieux et diffamatoires. Souvent la source du bruit est le fameux On : «On m'a dit…», en certifiant que ce On est crédible ou fait appel à la force anonyme du nombre : «Tout le monde dit…» «Toute la ville sait que...» suivi du fameux : «Il n'y a pas de fumée sans feu» censé clore l'interrogation sur la fiabilité de la rumeur. Quand le colporteur souhaite marquer une certaine distance avec le récit, parce que trop peu crédible, il le présente comme un racontar. Si au contraire il se l'approprie et veut lui donner du crédit, il dit le tenir d'un ami, ou de l'ami d'un ami très bien informé. Quel que soit l'habillage que choisit l'énonciateur, la rumeur est identifiable par le recours au registre de la révélation. Certaines situations sont plus propices à son échange. Face à un événement dont les causes restent obscures, l'absence de vérité officielle ou le scepticisme envers les institutions rendent l'espace public plus perméable aux informations non vérifiées. Les traits essentiels sont toujours renforcés, caricaturés et se communiquent sous la forme de stéréotypes verbaux préexistants. Souvent la source de la rumeur est attribuée à une personne proche d’un témoin supposé direct et chaque transmetteur supprime les maillons intermédiaires pour s’en rapprocher. La diffusion de la rumeur trouve sa puissance dans ce mécanisme qui provoque la crédulité et la confiance non dans l’information véhiculée mais dans l’informateur. Enfin pour persuader, certaines personnes, en donnant le sentiment qu’ils sont bien informés, ajoutent des détails inventés accroissant la crédibilité du message. Comme le dit Montaigne : «Quiconque croit quelque chose estime que c’est ouvrage de charité de la persuader à un autre ; et pour ce faire ne craint point d’ajouter de son invention, autant qu’il voit être nécessaire en son conte, pour suppléer à la résistance et au défaut qu’il pense être en la conception d’autrui». Chacun répète donc une parole presque toujours médisante et calomnieuse dont il ne se sent pas responsable. Souvent cette parole ne s’appuie sur rien. Portée par la lâcheté ou la facilité, elle rôde à la recherche de sa proie à l’abri de l’anonymat qui l’engendre et la protège. Elle est là comme une évidence rassurante qui dispense de chercher ailleurs. Elle a pour elle la passion et l’opinion. Notre droit lui cédant souvent le pas, il arrive même parfois qu’elle résiste à l’épreuve de la justice si prompte à accuser mais pas à se rétracter. Ceux qui la colportent sont persuadés que, sous le couvert de l’anonymat, ils sont inatteignables et assurés de leur impunité. Poussé par une volonté de savoir urgente et insatisfaite, le colportage intensif d'une rumeur résulte de la forte valeur d'information que lui attribue une partie du public. Le phénomène correspond donc à une technique routinière et permanente de l'échange social d'informations. Sa visibilité et ses effets dépendent étroitement du contexte immédiat. La rumeur est assimilée depuis longtemps à un dérèglement de l'ordre social. Pourquoi une telle vision péjorative domine-t-elle ? Les représentations ordinaires de la rumeur en font à la fois un phénomène pathologique et le symptôme des évolutions de la société. L'approche pathologique définit les rumeurs comme un système communicationnel de crise. Il est vrai que systématiquement les plus folles courent pendant les guerres par exemple. Les instances qui œuvrent ordinairement à attester les informations ne sont alors plus en mesure de répondre à la demande ou sont discréditées. Le schéma analytique est alors le suivant : l'état d'angoisse engendré par une situation d'anomie produit un abaissement de la vigilance et de la rationalité des acteurs. Cette détérioration du jugement favorise l'émergence de rumeurs dont le message irrationnel possède des propriétés cathartiques. Ainsi, la rumeur est souvent considérée comme une maladie de l'inconscient collectif, produit déraisonnable et inquiétant d'un fantasme de groupe ou comme un effet de l'anomie sociale née des effets incontrôlés de la modernisation rapide de nos sociétés.

Dans une terminologie philosophique la rumeur est de l’ordre du préjugé (doxa) car on tient des propos qu’on n’a pas pris le soin de vérifier ou d’analyser. Elle est comme un secret auquel on a eu accès. Par ailleurs elle apparaît toujours comme la première version d’un fait, si bien que le démenti arrive souvent trop tardivement. Elle sonne comme une vérité connue grâce à une indiscrétion. Ce qui explique qu'elle n'est jamais officielle mais lui donne cependant un certain crédit, voire une certaine puissance. Il y a peu de différences entre une rumeur et une information : la rumeur est obligatoirement officieuse, celle validée par le pouvoir (dans l'entreprise, politique etc.) perd son statut de rumeur pour acquérir celui d'information. Si elle est souvent destinée à nuire, à déstabiliser, il arrive cependant qu’elle puisse être positive. C’est par exemple grâce à la rumeur que des mouvements de lutte contre des régimes dictatoriaux ont pu voir le jour et qu’en temps de guerre des personnes en danger ont pu être sauvées. Mais nous pouvons supposer que les rumeurs et les idées négatrices seront de plus en plus fréquentes et de plus en plus visibles sur le marché de l’information. Il y a à cela trois raisons principales : tout d’abord, les sciences dures et les sciences humaines ont amené le grand public à adhérer au «relativisme cognitif», dont je vous ai déjà parlé, c’est-à-dire à «l’idée que la connaissance n’est ni objective, ni définitive. Cela conduit les gens à être plus réceptifs à toutes les théories alternatives aux connaissances communément admises». On ne parle plus de réalité qui s’oppose à l’irréalité, mais d’une conception de la réalité qui s’oppose à une autre conception de la réalité tout aussi valable. En second lieu, les mensonges avérés des gouvernements (l'affaire du Watergate, Colin Powell affirmant que l’Irak détenait des armes de destruction massive) ou ceux des médias répercutant des faits douteux (le faux massacre de Timisoara), ont amené le public à se méfier des informations diffusées par les moyens officiels de communication. De ce fait les réseaux informels (bouche à oreille, lettres confidentielles, Internet) acquièrent une crédibilité plus grande et font concurrence aux réseaux officiels. Des études précises ont démontré que les rumeurs répondent à des règles et des logiques propres. Ce sont surtout les Américains qui leur ont consacré des études de grande ampleur pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1944, Robert Knapp avance une explication : la rumeur est «une déclaration destinée à être crue, se rapportant à l’actualité et répandue sans vérification officielle». La définition de Allport et Postman reste assez proche : «Une affirmation générale présentée comme vraie, sans qu’il existe de données concrètes, permettant de vérifier son exactitude». Trente ans plus tard, Michel-Louis Rouquette complète et complexifie. Pour lui, trois conditions déterminent l’existence d’une rumeur :

1- elle s’oppose à l’écrit en ce que sa diffusion est principalement orale, passant d’un individu à l’autre,

2- elle apporte des renseignements sur une personne ou sur un événement, parfois les deux,

3- elle exprime et satisfait les besoins émotionnels des individus. Bref, elle répond à une attente.

Jean-Noël Kapferer auteur de -Rumeur, le plus vieux média du monde- quant à lui réfute les approches idéologiques, moralisantes. Il définit la rumeur comme une action collective en vue de donner un sens à un fait inexpliqué qui peut s’appuyer sur des informations aussi vraies que fausses mais au moins plausibles. Quand le public s’interroge et cherche à comprendre sans avoir de réponses émanant des autorités officielles, elle offre une alternative. Son contenu correspond presque toujours à un événement mal interprété ou mal compris, à la mauvaise foi, à des propos déformés ou malveillants. Elle renvoie aux interrogations, aux angoisses, aux frustrations d’une société. Elle n'a ni raison, ni substance, ni intention propre. Surgie de la trame continue et changeante de nos liens, elle n'existe que par nos échanges de parole et le crédit que nous leur donnons. Récit du temps immédiat, la révélation qu'elle porte est faite de nos représentations, de nos préoccupations. Si des nouvelles extravagantes circulent, c’est qu’individuellement et collectivement certains trouvent à ces récits informels une valeur d’échange. Reste que la multiplication des rumeurs témoigne toujours d'une certaine défiance à l'égard des instances qui accréditent l'information, c'est-à-dire dans une démocratie : les autorités publiques et les médias. La remise en cause des détenteurs de la parole d'autorité peut en effet se traduire par un crédit plus important accordé aux canaux informels de l’information. Les rumeurs sont reçues comme un marché noir de l’information. Faut-il pour autant en conclure que le public croit systématiquement aux récits extravagants des rumeurs ? Ce préjugé a d'autant plus la vie dure qu'il s'intègre bien dans la hiérarchie des discours sociaux. Là le travail d'interprétation du sociologue bute sur ses limites. Car même au niveau ethnographique, le sociologue ne peut sonder la croyance en la rumeur. Les canulars qui, tous les jours sont abondamment échangés sur Internet sous la forme de rumeurs, incitent à penser que la jubilation de l'absurde et le goût de l'humour noir sont davantage à l'œuvre dans ce type d'échanges que la naïveté. Il semble que le besoin de se donner de l'importance, un rôle social, conduit certaines personnes à les propager car elles offrent une explication simplifiée et rassurante de certains problèmes de société expliquant ainsi leur succès. Leurs explications se limitent souvent à la désignation d'un bouc émissaire, qu’à cause de nos préjugés, on a envie de croire. Elles visent souvent les puissants, l’État ou les étrangers, un adversaire, etc.). Leur tonalité est parfois raciste, et quand c’est le cas leur cible est aujourd’hui l’arabe, le maghrébin, le rom et tous ces immigrants qui contribuent à l’appauvrissement de la France. D’autres s’acharnent sur les gouvernants en place : «la nouvelle maîtresse du président Hollande», «son enfant caché avec Anne Hidalgo», etc. ou citent les revenus exorbitants d’un musulman polygame avec ses quatre épouses recueillies en France et leurs vingt six enfants, le minimum vieillesse attribué à des étrangers n’ayant jamais travaillé ni cotisé en France, les salaires et autres primes distribués aux députés et aux ministres, etc. On dirait que c’est la rumeur qui dit les faits et qu'elle obéit à une logique et à des règles dont on peut analyser les mécanismes : bon nombre de rumeurs, notamment à l'approche d'élections, sont créés intentionnellement dans le but de discréditer un homme politique. Elles sont tenaces, particulièrement si elles touchent au scandale : en général, tout démenti ne fait que les renforcer. Elles font également partie des techniques de manipulation dans le cadre du harcèlement moral. C’est donc un phénomène de transmission d'une histoire à prétention de vérité et de révélation par tout moyen de communication formel ou informel qui recouvre des réalités très diverses :

- les fausses informations ou les manœuvres de désinformation révélées à postériori alimentent la controverse ; les préjugés dont les juifs et les francs-maçons font souvent les frais - c'est ainsi qu’on a pu parler des Protocoles des Sages de Sion comme d'une rumeur antisémite.

- la propagande, quand elle s’appuie sur des cas exemplaires, des théories globales, des histoires de vie. Elle ressemble à la rumeur en ce sens qu'elle vise à influencer l'attitude des gens en recourant à la suggestion. Ce n'est pas l’idée en elle-même, mais une méthode employée pour la répandre,

- le canular, quand il n'est pas encore révélé -ainsi certains auteurs parlent de l'émission radiodiffusée en 1938 d'Orson Wells sur la Guerre des mondes comme d'une rumeur-,

- certaines formes de théorie du complot quand la narration importe davantage que la révélation.

La durée de vie de la rumeur étant généralement brève, si elle perdure c'est qu'elle se sera étoffée et transformée en légende urbaine : histoire rocambolesque abordant de nombreux thèmes tels que la violence, la biologie, les technologies, les complots, les événements qui peuvent à tous nous arriver. Les légendes urbaines forment ainsi un folklore contemporain d'histoires qui évoque notre société moderne. Elles sont racontées de bonne foi par leur narrateur qui peut à l'occasion les déformer. Elles sont arrivées à l'ami d'un ami. Elles sont toujours présentées comme véridiques mais la plupart ne sont que des inventions distrayantes, d'autres inspirées d'un fait divers : l'histoire du "terroriste au grand cœur" qualifiée de rumeur peu après les attentats du 11 septembre 2001 (un homme aurait prévenu de leur imminence). "L'auto-stoppeuse fantôme" : un homme aurait pris en auto-stop une étrange jeune femme qui aurait disparu aussitôt après leur arrivée à destination. Dans la maison où elle aurait demandé à aller, l'homme aurait découvert une photo de cette femme… qui serait morte depuis plusieurs années. (Plusieurs versions de cette histoire existent et la femme est parfois surnommée la "dame blanche"). L'être humain n'utiliserait que 10 ou 30% de ses capacités mentales : cette croyance proviendrait du philosophe William James : faux, les zones cérébrales ne sont jamais toutes actives simultanément et cela est dû à leur spécialisation. La Grande Muraille de Chine serait la seule construction humaine visible depuis la Lune sur laquelle l’homme ne serait jamais allé : faux, la largeur de la muraille de Chine étant beaucoup trop petite (voir la muraille de Chine depuis la Lune, ce serait comme essayer de voir un cheveu de 20 cm d'une distance de 13 km), mêmes les autoroutes, beaucoup plus larges que la Grande Muraille ne seraient pas visibles de la Lune. La notion de complot que véhiculent bon nombre de rumeurs a intoxiqué les plus grands médias. Sur les attentats du 11 septembre 2001, la théorie du complot perdure : des milliers de personnes sont convaincues que la version officielle est mensongère et que l'on a tout fait pour que les citoyens croient en la version officielle. Alors, tant pis pour les évidences, tant pis pour les victimes d'avions qui n'auraient jamais existé, tant pis pour les mois d'enquêtes et d'expertises, tant pis même pour les images que chacun a vues des dizaines de fois sur les écrans de télévision. Les adeptes de la grande conspiration resteront persuadés envers et contre tout qu'on leur a menti. La rumeur est aussi une technique d'influence dans le cadre de stratégies de diversion. Elle conserve ses attributs classiques (nocivité, récurrence, jouant sur les peurs, insaisissable, opportuniste et volatile). Elle profite de la puissance de propagation des médias. Aujourd’hui preuve en est, le simple usage du mot rumeur dans un titre de presse fait vendre. La nécessité d’aller vite et de frapper le lecteur, l'auditeur ou le téléspectateur, l’explosion du nombre de journaux, de radios et de chaînes concurrentes, de réseaux sociaux, tout cela encourage le développement de la rumeur. Car on ne prend plus le temps de vérifier.

Mécanisme de transmission

Les rumeurs obéissent à une logique et à des règles dont il est possible d'analyser les mécanismes. Les motivations sont variées : pure maladresse, fait de vouloir se valoriser ou plus simplement nuire. «D’abord un bruit léger [...] pianissimo, murmure et file et sème en courant le trait empoisonné. [...] Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine et rinforzando de bouche en bouche, il va le diable. [...] Vous voyez la calomnie se dresser, siffler [...] et devenir un cri général, crescendo public, un chorus de haine et de proscription» (Beaumarchais, dans le Barbier de Séville). On peut appliquer à la rumeur ce que dit Beaumarchais de la calomnie. Il s’agit en effet d’une nouvelle qui se répand et s’amplifie au sein d’un groupe ou d’une société jusqu’à devenir une vérité apparente qui n’a fait l’objet d’aucune vérification (psychologie des foules). Ce phénomène sociologique est alimenté par les peurs et les croyances qu’il alimente. Un fait n’ayant jamais existé peut devenir une vérité. Dans le cadre de ses recherches en psychologie judiciaire, un psychologue et philosophe allemand, Louis William Stern, a été le premier en 1902 à mettre en place un protocole expérimental permettant de mettre en lumière le fonctionnement de la rumeur. Ce protocole est aujourd’hui devenu un exemple en la matière : au départ, un fait divers et une longue chaîne de personnes : on raconte à la première personne de la chaîne le fait divers, qui le raconte à la deuxième et ainsi de suite … On compare ensuite l’histoire racontée par la première et celle relatée par la dernière. Finalement les deux histoires sont radicalement différentes. La dernière est complètement transformée, déformée. Ce que Stern apporte de plus à cette constatation, c’est la notion de détails. Au départ, il avait pris soin d’agrémenter son histoire de détails précis. Il remarque qu’au fur et à mesure de la diffusion par le bouche à oreille de l’histoire, les détails se transforment et leur nombre diminue rapidement. C’est ainsi que l’histoire perd peu à peu de son sens. Ce qu’il démontre finalement, c’est que la rumeur de manière naturelle se développe en se déformant et en s’appauvrissant.

Quelle est cette affaire dont tout le monde parle ? Alors notre curiosité devient incontrôlable, cette curiosité malsaine, ce vilain défaut associé souvent au voyeurisme qui fait partie intégrante de la nature humaine et que certains, avides de sensationnel, n'arrivent pas à contrôler...on a bien le droit de savoir. Si personne n’en parle officiellement, c’est forcément qu’on nous cache quelque chose. Cette affaire aurait parfaitement sa place dans les colonnes de «Voici», «Closer» et autre «Gala» et c’est frustrant qu'il n'y en ait aucune trace dans la presse … Rien ! Pourtant hier mon voisin était sûr de lui : il avait appris cela le matin lorsqu’il avait acheté son paquet de cigarettes au bar-tabac du coin. Au comptoir des clients en parlaient avec des sourires entendus. L’un d’eux semblait d’ailleurs très bien informé puisqu’il l’avait appris d’un copain qui joue au foot avec le frère d’un commerçant dont l’une des employées est la sœur d’une aide-soignante de la Polyclinique. Cette dernière n’était pas de service ce jour-là, mais… mais voilà, c’est une source fiable forcément. Alors vite Google, deux ou trois mots-clés résumant l'affaire, "Qui ? Quoi ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Y a-t-il du croustillant ?" Rien! Il n’y a pas d’affaire…Juste une rumeur sournoise qui enfle, enfle jusqu’à devenir plus grosse que notre sens critique. Pourquoi nous laissons-nous si facilement convaincre ? Par curiosité bien sûr mais aussi parce que la rumeur concerne les peoples, les hommes politiques, ceux que nous connaissons tous mais que nous n’approchons pas. Consciemment ou pas, la rumeur nous offre une occasion de les atteindre, à notre tour de devenir un peu puissants… à leurs dépens. Parmi les procédés qui apportent de la crédibilité à la rumeur, citons ce fameux témoin à la parole forcément incontestable de part sa réputation qui serait le dépositaire de l’information de départ. Ce témoin, l’homme ou la femme qui a vu l’homme qui a vu l’ours, nous ne l’avons pas directement entendu ni même rencontré. Nous le connaissons par Ginette qui connaît Mathieu qui connaît Kevin qui connaît Françoise qui connaît Corinne qui… connaît personnellement le témoin en question. Et voilà comment on remonte à la fameuse aide soignante, bref à quelqu’un de présumé fiable… et qui sait. Autre facteur qui accroît la rumeur : le silence suspect. Si personne ne dément l'affaire, c’est qu’elle est vraie et que l’on cherche à l’étouffer. Il faut garder à l’esprit qu’au départ de la chaîne, il y a toujours l’intention de nuire. Et si les maillons pèchent le plus souvent par naïveté, ils n’en deviennent pas moins les complices complaisants de cette intention de départ. Mais la responsabilité se dissout dans le nombre et tant pis si c’est faux. On en parlera nous aussi au voisin, au coiffeur, à la caissière du supermarché ... avec la fierté d’être dans la confidence d’une information incroyable, d’en faire profiter les autres et de se réjouir de voir leurs yeux s’écarquiller, leurs lèvres former un grand O. La rumeur n’a donc besoin que d’un terreau pour croître : la nature humaine. Elle naît, existe et circule en toute impunité. Dans la quête de sensationnalisme, le manque de scandales peut même provoquer une volonté d’en chercher un, voire d’en inventer un. Les rumeurs circulent sans contrainte, sans autre logique que les rencontres dans les lieux publics. À la seule condition d’être crédibles, elles peuvent être transmises par n’importe qui et ont des vertus d’adaptation : la moindre nouvelle peut être soumise aux interprétations. La plupart ont une ampleur nationale mais d’innombrables rumeurs s’attachent aussi à des faits locaux. La majorité ne concerne qu’un individu ou un groupe social réduit mais certaines ont une portée beaucoup plus vaste. Il faut surtout retenir qu’elles échappent aux canaux de l’information officielle et qu’elles se diffusent spontanément à grande vitesse. Elles permettent d’approcher les attentes, les frustrations, les craintes de ceux dont généralement l’Histoire ne retient pas les paroles. Disons plus simplement qu’il s’agit du mode de communication populaire par excellence car ne nécessitant aucun moyen technique et répondant instantanément aux interrogations collectives. De nos jours, le succès de la rumeur ne peut être compris qu’en recourant à plusieurs niveaux d’explications. Dans une société de plus en plus liberticide, la rumeur tient lieu de défoulement. Elle se situe à la convergence de la curiosité et de l’opposition politique. Les mythes, les croyances et les légendes sont des événements amplifiés, déplacés et reconstruits. D’après le GRIS (Groupe de Recherche sur l’Image en Sociologie) : nous avons toujours besoin du secours du réel, mais qu’est-ce que le réel, sinon ce que l’idée nous désigne comme tel ? Ses apparences sont fragiles et son essence est cachée ou inconnue. Sa matière, son origine, son fondement, son devenir sont incertains. Sa complexité est tissée d’incertitudes. D’où son extrême faiblesse devant la surréalité formidable du mythe, de la religion et de l’idéologie.

La rumeur est caractérisée par quatre aspects constants :

1- l'instabilité de son contenu, du moins dans sa phase de constitution ou dans son adaptation à de nouveaux milieux culturels,

2- l'importance de l'implication du transmetteur. Plus il sera impliqué, plus il adhérera au contenu et plus il transmettra

3- Elle colle à l’actualité

4- Neuf fois sur dix c’est une rumeur négative qui est colportée : accident, agression, échec, scandale, etc.

De plus l’information sera d'autant plus efficace qu'elle sera brève, directe, qu'elle exprimera une certitude qui n'appelle pas l'interrogation et encore moins de réponses. Le propos sera délibérément incomplet de façon à laisser celui qui écoute faire des supputations et tirer lui même les conclusions. Le sujet ne sera pas clairement formulé, (les faits seront seulement suggérés) et surtout ne donnera aucune preuve avérée mais contiendra de nombreux détails sans importance paraissant logiques pour masquer la fragilité des propos. Certaines personnes vont s’en accaparer et le propager pour se donner de l’importance, un rôle social dont elles sont habituellement dépourvues. Car dénigrer l'autre c'est implicitement se valoriser, ainsi que ceux que l'on met dans la confidence. Les rumeurs offrent parfois une explication simplifiée et rassurante de certains problèmes de société expliquant ainsi leur succès. Elles peuvent naître par génération spontanée du fait de l'interprétation erronée d'un fait observé ou d'une information entendue. Mais elles peuvent être le fruit d'une intention, plus ou moins avouable. Dans ce cas, il s'agit d'une forme de désinformation, de manipulation de l'opinion (rumeur de la 5ème colonne -les traîtres, pendant la Drôle de guerre en 1939-40)-. Dans tous les cas cependant, pour que la rumeur existe et se répande, il faut que le contexte s'y prête. En d'autres termes, il faut que l'opinion soit en attente d'information. Si le concept a pour origine des recherches anciennes, il connaît un réel regain d'enthousiasme scientifique dont témoigne la parution de nombreux ouvrages et articles traitant de ce phénomène social. Ceci dit, l’histoire de la rumeur est bouleversée par l’histoire des moyens de communication. Les médias sont devenus aujourd’hui les principaux diffuseurs de rumeurs : soit qu’ils les combattent, soit qu’ils leur consacrent des émissions spéciales à la télévision et à la radio. Si quelqu’un -une star, une personne politique, un commerçant- se plaint que la rumeur menace sa personnalité ou son commerce, c’est oublier que c’est par le même biais sa réputation s’est faite et lui a apporté clientèle, gloire ou succès. En fait la rumeur est l’envers de la médaille du succès : qui aspire à la gloire, risque la rumeur. Du coup la rumeur a mauvaise presse et véhicule avec elle une série de préjugés négatifs. Tous ceux qui détiennent une parole d'autorité qu'elle soit politique, académique ou éditoriale parlent toujours avec mépris ou condescendance de la rumeur, information à la véracité douteuse souvent diffamante. Ses colporteurs sont frappés de la même avanie, jugés ignorants, faibles d'esprit ou vils calomniateurs. Ces préjugés remontent aux années 1960 à 1980 où prévalait une conception très «moutonnière» de la société. C’était l’époque où l’on croyait que les mots pouvaient tuer et qu’une fausse information pouvait subvertir une nation entière.

Des exemples parmi d’autres

On a vu que la rumeur est souvent associée aux situations d'anomie. D'où sa collusion avec la déraison, et en sinistre écho avec l'interminable litanie des émeutes, lynchages qui émaillent l'histoire. Dans -La Grande Peur de 1789-, Georges Lefebvre montre qu'à l'origine de l'inquiétude paysanne, il y a eu les rumeurs racontant le complot des nobles et des brigands contre la France. A la Libération, c'est bien souvent par la rumeur que furent dénoncées et humiliées les «tondues» suspectées d'avoir couché avec l'occupant. Le sociologue Edgar Morin dans La Rumeur d’Orléans fait apparaître qu’une rumeur se développe à partir de mythes ancrés dans la société et souvent en fonction de la peur de l’Autre, de celui qui est différent. La fable fonctionne car elle sert de justification à des préjugés, à des représentations ou à des sentiments. En mai 1969 une rumeur se répand en deux jours sans qu'aucun média n'ait signalé le moindre fait et sans que la police n'ait recueilli la moindre plainte : la découverte d'un réseau de traite des blanches dans les salons d'essayage de magasins juifs de lingerie féminine du centre d'Orléans. Des clientes auraient été endormies par injections hypodermiques et enlevées pour être livrées à un réseau de prostitution. Et si la police ne trouve aucunes preuves de ces agissements, c'est qu'il y a complot : les juifs ayant acheté les policiers, les journalistes et les politiques. Car comment des personnes si récemment arrivées à Orléans peuvent-elles avoir si bien réussi en étant parties de rien ? La réponse était la «traite des blanches». Les communiqués officiels indiquant qu'aucune disparition suspecte n'avait été signalée aux services de police n'ont jamais réussi à mettre fin à la rumeur qui a finalement cessé d'intéresser les médias, sans autre intervention que le temps et l'oubli. Pour Edgard Morin la raison fondamentale de la réussite de cette rumeur antisémite est à rechercher dans la grande prescription venue effacer le souvenir de l'holocauste. Cette rumeur trahissait un anti judaïsme inconscient provenant en droite ligne de l'époque médiévale. Le juif jouait ici le rôle immémorial de bouc émissaire. Ce délire antisémite du marchand juif enlevant des jeunes filles pour alimenter un réseau secret de prostitution révélait leur malaise, tiraillées qu’elles étaient entre l'envie de jouer les affranchies et leurs vieilles inhibitions. Certains se souviennent peut-être de l’affaire Markovic, homme à tout faire d’Alain Delon en 1968 après la découverte de son corps. La presse évoque des rumeurs destinées à briser les ambitions politiques de Georges Pompidou et suscitées par le mutisme des enquêteurs. Celles-ci vont bon train. Le "Tout Paris" en parle. Michel Jobert, ancien ministre des affaires étrangères et proche collaborateur de Georges Pompidou, évoque deux professionnels de l'information chuchotant dans un cocktail : «Ce sont les Pompidou qui vont trinquer !» Des photos circulant sous le manteau montrent des personnalités de la politique, des médias, du spectacle et autres en train de se livrer à des "partouzes" ; sur certaines photos, on peut, toujours selon la rumeur, reconnaître Claude l’épouse de Georges Pompidou alors ancien premier ministre, remercié quelques mois plus tôt par le général De Gaulle. Certains se souviendront peut-être aussi, dans la grande période de gloire de la comédienne Isabelle Adjani à la fin des années 80, de cette rumeur tenace comme quoi elle se mourait du Sida. Adjani étant une personnalité très secrète et jalouse de sa vie privée, la rumeur avait pris des proportions insensées que tous les démentis ne faisaient qu’amplifier. Adjani a fini par faire une apparition impromptue à la télévision pour montrer qu’elle se portait bien. Et même là, certains ont continué d’alimenter la rumeur : «c’est un sosie, si elle tient tellement à démentir, c’est sûrement que c’est vrai, etc.». En 2003 une rumeur rapportant que Dominique Baudis, alors président du CSA et ancien maire de Toulouse, était mêlé à des affaires de viols et de meurtres. Aujourd'hui, cette rumeur qui aurait pu dévaster sa vie s'est retirée, ne laissant que le limon de la calomnie.

Celles qui tuent

La mort de Socrate.

Les chefs d’accusation de Socrate qui conduiront à sa condamnation à mort condensent les rumeurs qui circulaient à Athènes à son sujet :

1. Socrate est coupable de corrompre la jeunesse

2. Socrate est coupable de ne pas croire aux divinités auxquelles croit l’État athénien

3. Socrate est coupable de croire à des divinités nouvelles

Accusé de pervertir les jeunes Athéniens par son idéologie, Socrate n’aura de cesse de démontrer dans sa plaidoirie que ce n’était que des rumeurs non fondées et que ces accusations étaient l’œuvre de lâches, lancées sans qu’il soit là pour apporter la contradiction et comble de la lâcheté que ses accusateurs étaient anonymes.

La rumeur de Rodez.

Cela se passe dans l'Aveyron en 1817 : un ancien procureur impérial, Bernardin Fualdès, est assassiné. Il règne à ce moment là dans Rodez, bourg rural de 6000 habitants, une atmosphère d'obscurantisme. Des centaines de témoins sont pris d'hallucination collective, une vingtaine de personnes se retrouvent dans les geôles de la médisance et trois innocents sont guillotinés. L'affaire Fualdès, qui durera des années, est un authentique complot judiciaire car, pour faire oublier ces temps de disette, les pouvoirs publics attisent la rumeur. Savamment distillée même lorsqu'elle est contradictoire et incohérente, elle tourne autour d'explications diverses et d'une incroyable épidémie d'affabulations : crime crapuleux, affaire de cœur, considérations politiques.

L’affaire de Hautefaye.

Quand la rumeur désigne un coupable à la vindicte populaire, l'effervescence qu'elle génère peut conduire jusqu'au meurtre collectif. Ce fut le cas à Hautefaye (Dordogne) en août1870, où les paysans immolèrent un jeune aristocrate que la rumeur accusait d'avoir comploté avec les Prussiens contre l'empereur. La justice lança des poursuites contre les principaux meneurs et en décembre 1870, la cour d’assises de la Dordogne prononça dix-neuf condamnations, dont quatre à la peine capitale. Le crime était pourtant celui de la foule, dans une heure d’ivresse, avec son ignorance, sa superstition, ses fanatismes, les excitations qui procèdent du bruit et du nombre, en un mot, avec toutes ses causes d’égarement. Ainsi la rumeur menace la vie sociale : c’est une maladie du groupe, une foule devenue folle, au mieux de la bêtise, au pire la barbarie et le meurtre.

L'affaire Salengro.

Le poison de la rumeur pervertit l'opinion qui ne retient que le soupçon par le goût du scandale. A cause de tous les bruits infamants recueillis et avidement colportés sans vérification ni contrôle, accusé d'avoir déserté en 1915, d'ivrognerie et d'homosexualité, ne supportant plus la calomnie, dans la nuit du 17 novembre 1936, Roger Salengro, ministre de l'intérieur, se suicide dans son appartement lillois.

"Dans un monde où l’information est une arme et où elle constitue même le code de la vie, la rumeur agit comme un virus, le pire de tous car il détruit les défenses immunitaires de sa victime." Jacques Attali

On voit donc que la rumeur peut être un fléau pour la société et pour la façon dont en son sein se véhiculent les idées et se construit la pensée. C’est un phénomène d’influence sociale car elle peut prendre son origine dans un groupe ou dans une institution pour agir sur les comportements, les croyances et les opinions d’un individu mais elle peut aussi avoir une influence sur toute une société. Il s’agit souvent d’une influence inconsciente car on ne se rend pas compte de la réalité de la rumeur et encore moins de l’impact de son message sur notre vie quotidienne. L’influence sociale s’inscrit dans un schéma dans lequel chacun de nous est sujet et objet. Elle est un processus réciproque : je participe moi-même à l’influence que je reçois et je suis influencé par la société ou suis source de changement pour cette même société.

En politique son fondement tient largement à l’apolitisme justifié par la critique du monde politique. Par exemple, si une rumeur négative court sur un politicien, en fonction du niveau éducatif de l'auditoire, elle alimentera vite le poncif fallacieux de «tous pourris» et le politicien aura alors un peu de mal à s'en sortir indemne. Pourtant on ne devrait pas s'affranchir en politique de la quête de la vérité mais on ne pas opposer la vérité à la rumeur qui s'impose par le fait même de sa diffusion.

La bourse également ne fonctionne que sur des rumeurs : chacun pense détenir un bon tuyau, (qui n'est que la version technique d'une rumeur) car c'est le rêve de tout investisseur… Pourtant, les tuyaux se vérifient rarement en bourse : en 2011 des rumeurs sur la Société générale ont déclenché un krach des valeurs bancaires. L'ensemble du CAC 40 a terminé dans le rouge.

Dans les sciences, un résultat exclut le flou et les ragots mais il y a aussi dans le monde scientifique des bruits qui courent : «le laboratoire Dupont est un mauvais labo dont la production est de mauvaise qualité» ou «tel chercheur est incompétent». Ce sont ces rumeurs qui fournissent des renseignements de façon informelle car il n'existe aucun annuaire des bons laboratoires ou de liste des bons chercheurs. De telles rumeurs risquent d'être fausses mais elles sont fonctionnelles car elles permettent de dire ce qui est indicible dans le cadre rigide des institutions scientifiques. Faute de preuves on est condamné à s'en tenir aux rumeurs.

Alors la rumeur, vérité ou mensonge, réalité ou fiction ?

Est-ce que la véracité ou la fausseté d’une rumeur sont la condition de son analyse ou bien n’est-ce pas plutôt ce qui est en jeu dans sa production et sa diffusion ? Sont elles indépendantes de sa production ou bien découlent-t-elles de l’opération qui la met en place ? On peut même aller plus loin : peut-on distinguer, sur la base de critères discriminants, les rumeurs de l’ensemble des informations que nous échangeons tous les jours ? Existe-t-il deux catégories distinctes, l’information d’un côté, la rumeur de l’autre ? Qu’est-ce qui la caractérise, est-ce le comportement des gens qui y croient ou bien le fait qu’à un moment donné l’information est désignée comme une rumeur ? La seule chose qui devrait intéresser : est-ce vrai ou non ? Parfois on y souscrit parce qu’un mensonge suffisamment répété finit par être accepté comme une vérité. Mais la rumeur basée sur une logique du vrai et du faux aboutit à une impasse puisque la vérité est une notion subjective...est vrai ce que l’on croit vrai. La rumeur correspond donc à une définition collective de la réalité. Les membres d’un groupe ont une même manière d’interpréter la réalité et, dans une moindre mesure, une manière similaire d’y réagir. C’est parce que chacun s’accommode de demi vérités ou de demi mensonges par crainte de voir la vérité toute nue que la rumeur se répète, se déguise, s’amplifie et souvent se métamorphose. Pourtant la rumeur, souvent qualifiée de publique, n’a souvent aucun rapport avec la vérité et ne répond à aucun besoin de connaissance. Si elle était vérifiable, elle n’existerait plus mais elle n’est pas nécessairement fausse bien que les fausses nouvelles se propagent facilement dans la population. Ceux qui les colportent ne sont pas tenus d’y croire et ceux qui tentent de les démentir souvent les renforcent. Terrible paradoxe : on ne peut démentir sans diffuser à la fois. La pensée sociale repose sur la croyance et non sur la preuve. Notre plus grand besoin est de croire et non pas de savoir, à l'encontre du formatage que nous avons reçu qui consiste à privilégier la vérité. Car si la rumeur peut nous induire en erreur, elle peut aussi nous apprendre la vérité. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle irrite… à ce moment, la rumeur devient un moyen de sédition et un outil efficace de contrôle des individus dominants. Elle est conseillée par Machiavel dans -Le Prince- : «la rumeur publique est une construction fantasmatique qui peut être à distance une qualité et un défaut du prince ; mais il ne s’agit nullement de s’en détourner, au contraire il faut savoir en profiter.» La majorité des rumeurs sont produites spontanément et sont souvent le fruit d’un mensonge dont une société se saisit et l'amplifie. Une rumeur peut aussi être fondée sur un fait véritable souvent déformé. Elle peut être fausse mais devenir vraie ou être vraie et devenir fausse. C’est juste une information non vérifiée au moment où elle circule. Elle peut s’avérer par la suite en tout cas elle s’auto valide aux yeux de celui qui y croit : tous les démentis n’y changeront rien. Quand on s’intéresse à cette notion, il est souhaitable de laisser ses certitudes de côté. L’approche sur la base du vrai et du faux est donc source de déception. On gagnera en efficacité si, plutôt que de tenter de résoudre la question philosophique de la véracité, on se demande quelle est l’attitude la plus adéquate pour répondre à une rumeur. Il faudrait, pour que les médias imposent une vérité à coup sûr, qu’ils utilisent les mêmes moyens de coercition qu’utilisent les dictatures pour garantir le succès de leurs propagandes. Les sciences de la communication nous ont appris qu’on pouvait comprendre la société en dehors du manichéisme vérité/mensonge, et que les gens font un peu ce qu’ils veulent de ce qu’ils trouvent dans les médias, car tout dépend de ce qui est visé par la rumeur. Beaucoup estiment que les médias transmettent l’information mais jamais l’opinion qui elle se forge en famille, au travail, entre amis, etc. S’ils ont raison, il ne suffit pas de diffuser une information pour emporter la conviction. Sans définition stable, la rumeur est utilisée pour désigner une "fausse information". Ceci permet de stigmatiser efficacement le locuteur, une opinion ou une population. C’est plus fort que de parler de mensonge, car on n’a pas besoin de prouver la fausseté de ce qui est dit ; il suffit de faire référence à la diffusion massive pour disqualifier la rumeur. Elle peut être lancée par une seule personne, comme le font par exemple les pervers-narcissiques à l'encontre de leur proie, ou par des groupes dans le cas du harcèlement en réseau. La rumeur a ainsi trouvé avec Internet son terrain d'élection idéal. Aujourd’hui nous sommes dans l’ère de l’e-rumeur : elle circule sur la toile véhiculée par les blogs et les sites de la presse écrite. Face à la perte de confiance dans les médias traditionnels, l'opinion publique a fini par se persuader que la vérité lui est cachée, alors pourquoi ne serait-elle pas là, sur le net, dans les réseaux sociaux ? Le Web est emblématique de cette indifférenciation croissante qui tend à rendre indiscernables les informations vérifiées et les rumeurs, la fiction et la réalité, les distinctions d’âge, de statut social et de sexe, enfin la séparation entre la vie privée et la vie publique.

Caractéristiques de la rumeur sur internet :

- Sa propagation est presque immédiate, grâce aux messages suivis («forwards»).

- Contrairement à la rumeur traditionnelle, elle conserve le message initial intact et n’est pas déformée.

- Elle prouve sa véracité car elle véhicule aussi des photos (souvent truquées) comme autant de preuves.

- Internet permet un formidable processus de légitimation de la rumeur : l’expéditeur du message peut avoir une très forte légitimité (expert, institution, etc.) et une notoriété grâce à son audience sur la toile. Les personnes qui réexpédient un message prennent la rumeur comme une vérité à diffuser. Les blogs contribuent fortement à son expansion, véritables carnets où chacun peut écrire ce qu’il veut et qui peuvent être lus par des millions d’internautes. La rumeur est devenue une arme stratégique dans un monde de compétitivité, pour décrédibiliser une entreprise ou dénigrer des particuliers. (Les forums de discussion sont le lieu par excellence de sa propagation).

Les nouvelles manières de nommer la rumeur sur internet

Les Hoaxes ou «canulars informatiques»

Ce sont des messages qui se présentent sous la forme de «lettres-chaîne» utilisant le mail pour se propager. Ils sont le plus souvent construits comme les légendes urbaines. Exemple : la pétition en 2004 contre les «bonsaïs kitten» (canular lancé par d'anciens élèves de l'Institut de Technologie du Massachussetts : chatons élevés en bouteilles dans un but décoratif, sur un principe similaire aux bonsaïs). Souvent les Hoaxes se parent de toutes les caractéristiques des rumeurs : alarmistes ils jouent sur les sentiments, restent imprécis sur les lieux, dates, etc. Ils sont très souvent associés à de fausses actions de solidarité. Il est demandé aux internautes de propager ces messages voyant ainsi leur boîte électronique inondée de messages publicitaires.

Le buzz :

En français, bourdonnement : c’est une technique qui consiste à faire du bruit autour d’un fait, d'un nouveau produit ou d’une marque. Le buzz utilise tous les canaux de communication, mais s’est vraiment développé grâce à l’Internet. Sorte de publicité sauvage, il utilise les messages entre consommateurs. Il se caractérise par la mise en œuvre de moyens novateurs. Il se doit de surprendre pour accrocher le public et garantir une bonne audience. C’est une forme de marketing viral. Le média lui-même devient objet de la communication et non plus son moyen. Pourquoi le buzz devient souvent rumeur ? Il a un mode de diffusion anarchique et lorsqu’il est lâché sur la toile, il peut être récupéré, modifié par les internautes. Comme une rumeur classique, il peut devenir nocif car détourné de son intention première. Aussi faire de la publicité au travers d’un buzz est un exercice à risque pour les grandes marques car il peut un jour ou l’autre être retourné à leur désavantage. De nouvelles agences publicitaires se sont spécialisées en «buzz-marketing» afin de maîtriser ce phénomène et pour mieux servir leurs clients, les cibles deviennent alors en premier lieu les leaders d’opinion, les relais d’information qui pourront légitimer le «message-buzz» en se l’appropriant.

Comment combattre les rumeurs ?

«C’est presque impossible à l’heure d’Internet de lutter contre la rumeur», explique Jean-Noël Kapferer. Le chercheur, souvent sollicité pour résoudre ce type de problème, évoque une anecdote. Lorsqu’il s’est installé à Versailles, raconte-t-il, on lui a indiqué quels étaient les bons et les mauvais docteurs, les bons et mauvais bouchers, les bons et les mauvais politiques. «Je ne suis pas allé vérifier. Mais ces rumeurs-la sont difficiles à combattre». Le consultant fut, il y a quelque temps, saisi par l’Institut Pasteur inquiet d’une campagne mettant en cause la vaccination. «Pour y répondre, dit-il, il a fallu rétablir l’équilibre des sources. Faire une campagne de publicité coûte cher. Susciter un article ou un reportage a un effet trop restreint. Mieux vaut alimenter en informations positives des sites de vulgarisation sur la santé, sites visités par des mères de famille. Mais c’est un travail de longue haleine». Les rumeurs… Ne les transmettons pas, elles font tellement de mal et le comble c’est que nous avons conscience de leurs effets sur notre propre vie ! Alors comment essayer néanmoins de les combattre, de les faire taire ? Que les gens ne les croient plus ? En tout cas ne jamais simplement les démentir, car cela les renforce. Ne pas les colporter car si vous colportez celle qui concerne les autres, un jour où l’autre une vous atteindra et enfoncé dans la rumeur, il ne vous sera pas facile d'en sortir. Ne pas mentir pour faire face à une rumeur qui s’avérerait dans quelques jours. Si l'information en train de circuler est inexacte : faire circuler l’information contraire. Identifier le déclencheur car si une rumeur circule, même si elle est fausse, il y a un élément déclencheur apparent. En ce qui concerne Internet, des sites spécialisés permettent de filtrer les informations qui circulent et de les classer en fonction de leur véracité. Ex. : HoaxBuster.com. Une économie de la rumeur s’est mise en place avec notamment la communication de crise, les contre-attaques pour démentir une rumeur nocive, les entreprises de veille et surveillance de forums de discussion. Ainsi l’internaute expérimenté devient lui-même un expert de la rumeur, sachant déceler l’information véridique et faire une analyse critique de ce qu’il lit (c’est un des enjeux éducatifs de l’Internet pour les jeunes internautes).

Conclusion

Dans la Grèce antique, nous savons tous que Socrate était doté d’une grande sagesse. Un jour, une de ses connaissances est venue le trouver et lui dit :

- Sais-tu ce que je viens d’apprendre au sujet de ton ami Diogène ?

- Un instant, répondit Socrate. Avant que tu ne me racontes, j’aimerais te faire passer un test, celui des trois passoires.

- Les trois passoires ? Répliqua son interlocuteur.

- Oui, reprit Socrate, avant de raconter toutes sortes de choses sur les autres, il est bon de prendre le temps de filtrer ce que l’on aimerait dire. C’est ce que j’appelle le test des trois passoires.

La première passoire est celle de la Vérité.

As-tu vérifié si ce que tu veux me dire est vrai ?

- Non, j’en ai seulement entendu parler…

- Très bien. Tu ne sais donc pas si c’est la vérité.

Essayons de filtrer autrement en utilisant une seconde passoire, celle de la Bonté.

Ce que tu veux m’apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bien ?

- Ah non ! Au contraire !

- Donc, continua Socrate, tu veux me raconter de mauvaises choses sur mon ami et tu n’es même pas sûr qu’elles soient vraies…

Tu peux peut-être encore passer le test, car il reste une troisième passoire, celle de l’Utilité.

Est-il utile que tu m’apprennes ce que mon ami aurait fait ?

- Non, pas vraiment… hésita l’ami.

Qu'ajouter de plus après une telle sagesse ?

En résumé, que faut il penser du caractère néfaste ou malsain de la rumeur ? Ceci ne me paraît pas aussi évident. Utilité ou nocivité ? Il me semble que la rumeur fait partie de la vie en société et qu’elle sert le pire et le meilleur. Elle n’est pas toujours le symptôme d’un dysfonctionnement social et présente l’intérêt de créer un lien entre les personnes. Elle est une forme d’échange faisant naître la discussion, la critique, la moquerie, la connivence voire la complicité. Vérité ou mensonge ? C’est une composition de vérité, de semi-vérité et de mensonge. Elle n'a pas besoin d'être ni fausse ni vraie mais elle est au moins une preuve de notre liberté d'expression. Nous n’obéissons pas toujours au principe d’incrédulité, pourtant fondé sur notre expérience habituelle. Est-ce par goût pour l’invraisemblable ? "Il y a deux façons de rencontrer la rumeur : comme figure de la vérité (alors on y croit sans vérification) ou comme aberration de la pensée qu’un peu de logique et de culture devrait suffire à corriger". J'ajouterai que souvent, la Vérité importe peu ! Elle reste dans son authenticité et n'intéresse presque personne. Par contre, la rumeur possède tout le succès qu'on lui connait. Car elle ne fait pas penser mais parler. Qu'importe s'il y a quelque chose de vrai dans ce qu'elle rapporte. Spinoza appelle cela la connaissance douteuse acquise par ouï-dire, ce bouche à oreille qui parfois peut faire beaucoup de mal à autrui, étant l'opposé de l'idée vraie. On est donc en plein dans l’irrationnel et il nous appartient de faire appel au bon sens, à la rigueur intellectuelle et à l’esprit critique afin de faire la part des choses, d'entendre la rumeur, d’éviter de la colporter sans discernement et de fermement ignorer ou combattre les plus malsaines.

Jean-François Boyer décembre 2014

Bibliographie :

Edgar Morin, La rumeur d'Orléans, 1969, Reéd. Seuil 1982 Coll. points essais,1982.

Jean-Bruno Renard, Rumeurs et légendes urbaines, Paris, PUF, « Que sais-je ? » no 3445, 1999 ; rééd. 2002, 2006, 2013.
Pascal Froissart, La Rumeur. Histoire et fantasmes, Belin, 2002, Rééd. 2011.
Philippe Aldrin, Sociologie politique des rumeurs, Puf, 2005.

Lydia Flem, Bouche bavarde et oreille curieuse, Revue le genre humain, 1982.

Jean-Noël Kapferer, Rumeur le plus vieux média du monde, Ed. Seuil 1987

Françoise Reumaux, Esquisse d’une théorie des rumeurs. Les oies du Capitole ou les raisons de la rumeur, CNRS, 1999

La Rumeur et la Norme, Fumées sans feu - actes du colloque de Liège

Message et transmission de la rumeur. Paris : Méridiens Klincksieck, coll. Sociétés, 1996, Toute la ville en parle. Esquisse d’une théorie des rumeurs. Paris : L’harmattan, coll. Logiques sociales, 1994

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