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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 17:02

I Définitions

«Danger éventuel plus ou moins prévisible, éventualité d’un événement ne dépendant pas exclusivement de la volonté des parties et pouvant causer la perte d’un objet ou tout autre dommage» (Petit Robert), «Péril dans hasard, état où il y a quelque chose de fâcheux à craindre» (Littré)

C’est donc un événement, ou la qualification d’un événement futur, ce qui peut se produire dans l’avenir suite à une décision prise dans le présent.

Evènement qui relève du possible, à la rigueur de la probabilité, et considéré en général comme fâcheux, un danger, un péril, une menace, un dommage, un échec possible quelque chose de l’ordre de l’adversité.

Le risque est plutôt une figure de l’adversité, il est ce qui peut, à tout moment, venir contrarier mes projets et mes entreprises. Il se manifeste ainsi comme une limite objective que le monde peut opposer à mon désir d’autonomie, de maîtrise de mon existence. Il est signe de notre fragilité dans l’existence où la possibilité de l’échec est toujours présente ! Ainsi une réflexion sur le risque va nous inviter à rencontrer plusieurs problématiques philosophiques «classiques».

(Le Larousse propose la date de 1557 comme celle de la première apparition du mot !).

II.la problématique du temps.

Il s’agit de l’avenir : le risque, c’est ce qui peut se produire dans le futur, qu’il s’agisse des risques dits naturels (tempêtes, tornades, tremblement de terre…) ou de risques dus à des négligences ou imprévoyances humaines (usines dangereuses, nucléaire…). On peut avoir des craintes devant ce qui peut arriver à court ou moyen ou long terme… Le passé et le présent ne sont pas concernés directement.

Le risque est un événement qui relève du possible, du probable à la rigueur : un accident possible, un échec possible… c’est du possible, du peut-être, pas du certain, d’où :

III. La problématique de la connaissance.

Le risque, comme son envers la chance, relève de l’incertitude : on ne peut savoir, prévoir ce qu’il en sera d’un choix effectué à un moment donné. Ah ! Si on savait, si on avait su !

Sachant que tout se passerait bien, sans conséquences fâcheuses, il n’y avait aucun risque à… sachant avec certitude que le fâcheux se profilerait, alors quelle inconséquence, irresponsabilité, ou alors «prise de risques» (on y reviendra !).

Que savons-nous, que pouvons-nous savoir de l’avenir, en général, des effets, des conséquences de nos choix ? Et pourtant il y a la nature et ses «lois», et il faut bien décider, se décider, y aller. D’où :

IV. La problématique de la liberté, du choix.

Il reste tout de même toujours cette figure de l’adversité, d’où :

La pensée de se garantir, de se prémunir du risque. Se mettre à l’abri du risque.

La prévention,

L’indifférence,

La passivité, ne rien faire

Les critiques…

Malgré tout, on ne peut tout prévoir, tout éviter, d’où :

L’action en responsabilité, la problématique de la responsabilité.

Risque et existence humaine : contingence, nécessité, chaos, délibération.

Apprendre à vivre dans le clair-obscur, avec pour horizon l’incertitude, le peut-être, et la mort !

Le recours à la sagesse philosophique, en prendre le risque : lucidité et courage, autonomie. Accepter le risque, «faire avec», pour échapper au seul risque qui guette vraiment : le repli complaisant sur soi et l’inaction.

Risquer sans se mettre en danger inutile, ni peur paralysante, ni présomption provocatrice et dangereuse pour soi et les autres.

Accepter de vivre dans le précaire, et mourir sans savoir si on a réussit sa vie. Le thème du jugement dernier !

Ce qui est finalement en question, c’est une modalité d’existence. Si nous ne savons pas ce qui peut advenir, il nous faut pourtant continuer à vivre, à certains moments il nous faut choisir : on a beau dire tout ce que l’on veut de la liberté, du choix et ses illusions, il y a dans l’existence des circonstances où nous nous trouvons devant plusieurs possibilités : on y va, ou on n’y va pas ? on va dans cette direction ou dans une autre (ex. : un choix de thérapie)…on va, comme on dit «prendre des risques», et j’ajouterai tout de suite «calculés», à défaut de certitude, on se tournera vers la probabilité, voire la chance…Et on s’engagera, en espérant que…(un traitement médical, une thérapie, par exemple…) «prendre des risques», on les fait siens, on se les approprie en quelque sorte…selon le pouvoir dont nous disposons, en responsable… d’où :

V. La problématique de la responsabilité.

On s’engage soi-même, on prend des risques pour soi, d’accord, mais nous ne sommes pas seuls, il y a les autres, ceux dont nous sommes responsables (famille, collègues, amis…) que nous connaissons bien, et tous les autres que nous ne connaissons pas et que nous pouvons rencontrer (sur la route, par exemple...) Assumer pour soi, nous faire subir à nous-mêmes est une chose, mais faire subir à d’autres est autre chose ! Affronter l’adversité que nous avons tentée est une chose, l’imposer à d’autres, c’est autre chose !

Que voulons-nous, qu’est-ce qui est en notre pouvoir ?

Le risque n’est donc pas une petite affaire et en prendre encore moins ! Et à cause de cette figure de l’adversité, on a souvent pensé à s’en prémunir, à se mettre à l’abri du risque.

VI. Alors se pose la question : que faire contre le risque ? Peut on l’éviter, s’en prémunir, se mettre à l’abri ?

Mais, quoi qu’il arrive, quoique nous fassions, on ne peut entièrement s’en échapper, ni s’en prémunir totalement.

A. Faire de la prévention. Prévenir, prendre des assurances.

On peut situer ici la prévention, par la connaissance notamment. Sachant, dans la mesure où c’est possible, on fera en sorte d’éviter l’événement, qu’il ne se produise pas. Pour cela on va se tourner vers la connaissance, pour déterminer au plus près les risques encourus. Recours à la statistique : on peut penser que si l’avenir nous est connu, probable, et si nous sommes sensés, raisonnables, nous ne prendrons pas de décisions dont on saurait à coup sûr qu’elles nous seraient dommageables :

- ou bien on sait en toute certitude, en forte probabilité qu’il n’y a aucun danger, que tout se passera bien, alors…pas de risque ?

- ou bien on gage (certitude, probabilité) qu’il y a danger, alors…on serait bien sot, bien fou de se lancer dans l’entreprise, et nous serions victimes de notre irresponsabilité (ce serait inutilement, dangereusement "tenter le diable !'

Prévention : mais les meilleures des assurances ne peuvent empêcher certains sinistres, elles peuvent seulement, ce qui n’est pas peu, en atténuer des effets.

Aucun contrat d’assurance, aussi bien fait, complet et coûteux soit-il, n’empêchera un événement de se produire (incendie, tempête, vitesse en excès, tsunami, mort). Nous sommes une société non du risque, dans un sens, mais de l’assurance, et même des assurances. On nous propose en effet des assurances de toutes sortes : contre le vol, l’incendie, et même une assurance sur la vie qui n’est au fond qu’une assurance contre le risque ultime, le risque de la mort, qui n’est plus un risque dans la mesure où c’est une certitude ! La statistique, le calcul des probabilités…

Les contrats ne changent rien en amont, avant, en revanche des contrats peuvent faire en sorte que des conséquences (pour soi-même, pour les autres dont on est responsable) de l’événement, du «sinistre», comme on dit si bien, soient plus supportables et l’adversité atténuée. Mais on sait bien, en tout état de cause, que l’avenir se présente plus sous la figure du peut-être que du certain, de l’incertitude que de la certitude (mises à part quelques nécessités comme le vieillissement, la mort…) Nous ne savons pas tout, loin s’en faut, nous ne pouvons tout prévoir, anticiper, alors ce n’est pas la connaissance seule qui nous prémunira du risque. Nous sommes souvent contraints d’agir selon des raisons simplement probables, donc contraints dans l’incertitude de prendre des risques !

Où l’on retrouve la liberté, le choix, la responsabilité…

B. L’indifférence

Autre manière de ne pas ou moins souffrir du risque. Cultiver l’indifférence vis-à-vis de tout ce qui peut arriver sans dépendre de nous : accueillir l’événement quel qu’il soit (cf. le sage stoïcien), tel est le bonheur ; la folie et le malheur consistant au contraire à prétendre refuser la nécessité. Rendre l’homme indifférent aux événements afin qu’il jouisse ainsi d’une assurance tous risques sans limite !

Mais n’y a-t-il pas là un risque, une «superbe», disait Pascal, à prétendre se mettre à l’abri de tout risque, à prétendre à une autonomie parfaite, et surtout le plus grand des risques, celui de l’ineffectivité, de la passivité absolue face au monde ? (la belle âme et son immobilisme).

C. La passivité

Autre hypothèse encore qui peut être comme un aboutissement de la précédente : ne pas agir, ne rien faire, ainsi on ne prend pas le risque de l’erreur, de l’échec, de l’accident !... ! Certes, mais là encore : passivité, ineffectivité, autant dire la mort ! Celui qui ne prend pas de risque «fait le mort» !

On peut alors se demander si la peur du risque ne serait pas le pire des risques, si le risque n’est pas un horizon indispensable de notre existence, car, après tout, il faut vivre, c’est tout au moins une thèse que je fais mienne ! Et vivre, c’est «risqué» et c’est «risquer». Les deux séparément ou simultanément.

VII. Risque et existence humaine

Petite philosophie du risque : réfléchir sur le risque, c’est poser quelques fondamentaux de l’existence humaine qui peuvent se résumer dans la notion de contingence. Le déroulement de l’existence humaine ne relève pas d’une nécessité mathématique, il n’y a pas de peut-être dans les mathématiques ordinaires (la valeur des trois angles d’un triangle ne risque pas de valoir ceci ou cela, c’est tant...) l’existence serait alors sans risque ?

L’existence ne relève pas pour autant d’un pur chaos, ni d’une salle de jeu au pur hasard (si celui-ci existe !) L’existence humaine est un lieu de délibération permanente, de réflexion prudente au sein de déterminismes divers, de quelques connaissances, certitudes et surtout d’ignorance et d’incertitudes : un monde où il faut décider, agir, s’engager en responsable, en pesant les possibles en prenant des risques certes, mais peut-on faire autrement ? Sinon c’est l’ennui ou l’ineffectivité. D’où l’intérêt de la prise de risques. Désir de gagner, mais possibilité de perdre en toute entreprise !

Deux illustrations, parmi beaucoup d’autres sans doute : la médecine et la politique.

En médecine : le choix d’une intervention, d’une thérapie, tant pour le médecin que le patient ! Les avantages, les inconvénients, les effets primaires, secondaires, etc., il y a des risques de part et d’autre. Que choisir, comment choisir ? Certes, il y a les statistiques, les pourcentages, les avis divers... mais il faut se décider : ne rien faire ou faire ? Et faire quoi ? Il n’y a pas de nécessité mathématique, il n’y a pas non plus une absence d’appuis. Aucun geste médical n’est neutre, toute médication est «poison».

En politique (et économie !)

Le politique ne décide, n’agit ni dans la clarté absolue, qui diluerait tout risque, ou au minimum, ni dans une obscurité absolue qui le mettrait en péril permanent, qui empêcherait toute action il vit comme chacun d’entre nous dans une sorte de «clair-obscur». Car le sens de l’histoire - s’il y en a un- n’est jamais donné d’avance, il n’y a pas de ligne de crête assurée.

Le politique est celui qui sait prendre des risques, dans son engagement personnel certes, mais aussi et surtout dans le pouvoir qu’il partage et le pays dans lequel il œuvre ! L’action politique est inséparable de la notion de risque et la responsabilité qui en découle. (cf. Merleau-Ponty et l’existentialisme.) L’homme politique œuvre dans une sorte de clair-obscur, s’efforçant d’articuler au mieux le savoir modeste en sa possession et son ambition et sa liberté !

VIII. Conclusion

Ni nécessité claire, blanche, ni pure contingence obscure, noire, l’existence du risque situe l’homme dans un entre-deux :

- d’une part, par peur de courir un risque, de connaître l’échec, se mettre dans une finitude stérile, une inaction, une sorte de mort-vivant.

- d’autre part, un activisme risque-tout. Et casse-cou.

- reste à assumer (consentir à...) la possibilité permanente du risque, la présence de cette adversité statistique.

Construire son existence sans frilosité stérile, ni activisme casse-cou, entre insouciance et tragique.

- Apprendre à vivre, avec l’incertitude pour horizon, sachant que la seule certitude, sans savoir ni le jour, ni l’heure ni la modalité, est la cessation un jour de toute jouissance de et dans l’existence (la mort) et avec l’angoisse de la liberté comme viatique (Sartre et l’angoisse de la liberté, la déréliction).

Nier la possibilité du risque, ne pas oser en prendre parfois, c’est le risque de l’ennui et ne plus vivre d’une certaine manière être mort-vivant.

Jouer les risque-tout, les casse-cou est également dangereux et peut être mortel !

Alors, que reste-t’ il ?

Approfondir ses savoirs,

Cultiver la prudence,

Se prémunir contre la légèreté.

Le courage d’oser.

Lucidité et courage !

Penser au principe de précaution, sans paralysie, crainte excessive, espérer qu’au bout du compte on aura rempli son existence sans trop de dégâts !

«Il faut imaginer Sisyphe heureux», on ne peut imaginer une vie sans risque(s), mais on peut (on doit ?) la penser en sachant «prendre des risques».

L’homme en agissant peut aboutir à l’échec, mais, conscience finie, n’est-ce pas un risque à courir si on veut réussir.

Accepter le risque, «faire avec», c’est pour l’homme la seule manière d’échapper au seul risque qui le guette vraiment : l’inaction et le repli complaisant sur soi.

C’est bien là, en dernière analyse, sa seule et fragile assurance !

La peur du risque et le risque-tout, le casse-cou !

Sous-estimation et sur estimation de soi,

Pusillanimité et présomption !

Epilogue : la sagesse philosophique

Pour apprendre à vivre avec le risque, en sachant que l’échec est toujours possible, qu’on peut perdre, et qu’au bout il y a la mort (risque certain !)

La mort contre laquelle on ne peut rien, c’est l’inévitable risque ultime, on ne peut qu’en cultiver des représentations ; «accoutume-toi à l’idée que…», écrit Epicure à Ménécée.

Devant tous les malheurs possibles de et dans l’existence, prendre le risque de se fier aux enseignements de la sagesse (des sagesses) philosophique. Le choix de la philosophie comme risque à courir pour mener «une vie bonne». Une telle vie n’est écrite nulle part avant qu’on en commence le récit ! De fragments épars tisser une toile, dont on prend le risque de ne jamais pouvoir la contempler dans sa totalité, alors qu’on y aura passé toute son existence ! Sans vraiment savoir si réussite ou échec.

«Réussir sa vie» ! La question du jugement dernier. Nous n’étions pas là le jour de notre naissance, nous ne serons pas là le jour de notre mort ! Et pourtant ! Jugement dernier qu’on risque de ne pas connaître, ou qu’on ne risque pas de connaître ! Et pourtant on aimerait bien. Vivre avec cette pensée…

«Quel genre d’homme veux-tu être ?» (Epictète)…

Vivre dans la précarité et la finitude, en espérant réussir cette vie, mais sans pouvoir savoir un jour ce qu’il en est au bout du compte.

«Notre jugement dernier», pas plus que d’une certaine manière nous n’étions pas là le jour de notre naissance, nous ne serons là pour en juger ! Nous ne risquons pas de connaître notre jugement dernier, on risque de ne pas le connaître. Le risque de la vie, c’est de ne plus vivre un jour et de vivre avec cet horizon !

SOPHIA, le 10 octobre 2013.

Bibliographie : «Le risque, cet inconnu» de Georges JOUSSE. IMESTRA éditions.

En fait la foule a longtemps méconnu le philosophe ; elle l’a confondu tantôt avec l’homme de science et le savant idéal, tantôt avec le mystique exalté qui s’enivre de Dieu, se détache de ses sens et s’éloigne du «monde». Aujourd’hui lorsqu’on entend dire de quelqu’un qu’il vit en «sage» ou en «philosophe», l’éloge ne signifie guère plus que ceci : «c’est un homme avisé et prudent, qui se tient à l’écart». Pour le populaire, la sagesse est une espèce de fuite, un moyen et un art de tirer son épingle d’un jeu dangereux ; mais le vrai philosophe - n’est-ce pas notre sentiment mes amis ?- mène une vie «non philosophique» et «non sage», avant tout une vie imprudente ; il assume le fardeau et le devoir de cent tentatives, des cent tentations de la vie : il se risque continuellement lui-même, il joue le jeu dangereux. (NIETZSCHE PDBM, aph.205.)

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